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samedi 20 octobre 2007

Queenadreena - Maison de l'Ile. Auvers-sur-oise.




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Première partie : Jim Murple Memorial - 3 Minute Warning - Myhybris


Ce qu’en a pensé Eric :

«Auvers sur Oise, sa maison de Van Gogh et son "Festival Rock" en cette fin du mois d'Octobre glaciale. Nous étions 4 à avoir fait l'expédition vers ces contrées généralement hostiles... pour le Rock'n'Roll s'entend (Vincent, Gilles, Patricia et moi). A notre arrivée en France profonde, heureusement qu'il y a Robert Gilles et sa femme, Brigitte, avec lesquels discuter (nous avons apporté à l'intention de Robert un exemplaire de notre book 2006-2007, que nous lui dédicaçons et qui, je crois, lui fait plaisir...). Quelques sandwiches, demis pression et cacahuètes plus tard, nous entrons dans la salle, bien trop grande ma foi pour les très rares spectateurs déjà arrivés.

Les deux particularités d'un "festival", c'est que ça dure très longtemps (trop longtemps ? Nous ne sortirons de là qu'aux alentours de minuit), et que les 4 groupes prévus (pour 6 Euros !) forment un programme aussi disparate que baroque. On commence par Myhybris, un groupe français chassant avec une réelle ambition sur les terres arides et brûlées d'un post rock progressif qui n'est forcément pas de goût de tout le monde (Vincent et Gilles se réfugieront au bar). Dans ses meilleurs moments, il se dégagait une indéniable puissance de ces morceaux informes, voire abstraits, grâce d'ailleurs à une batterie massive ("Suffocating" en intro, assez impressionnant). Dans ses pires, Myhybris retombait inévitablement dans des plans fusion pénibles (Sur "Fed up" en particulier, le chanteur assez convaincant se métamorphosa en cliché bondissant et hurlant), matérialisant alors nos pires craintes. Mais bon, ce seront 40 minutes écoutables, parfois même intéressantes, clairement de quoi patienter en attendant la suite, au milieu d'une foule - logiquement - toujours aussi clairsemée. A noter que le son était très correct, à condition de se reculer de quelques mètres de la scène pour pouvoir entendre la voix.

Comme prévu sur l'affiche, les intervalles (changement de matériel oblige) sont remplis par deux DJ diffusant du reggae dub pas désagréable, mais gênant pour les conversations, quand même.
Question "changement de matériel" justement, le groupe suivant a fait très fort, étant visiblement arrivé à Auvers avec la bite et le couteau, et ayant cassé le couteau et égaré leurs bites avant même de commencer de jouer... 15 minutes montre en main pour "3 Minute Warning" : en 3 chansons, les Gallois brutaux nous ont d'abord laissé espérer un ska tendance punk excitant, l'ont vite noyé dans un rock skinhead bas du front (la référence à Clash sur le t-shirt du bassiste ne pouvait que rappeler les pires jours du Clash/iroquois dernière période), ont cassé les cordes de la guitare, puis ont détruit l'ampli de retour, avant de jeter l'éponge. On na aucune nostalgie cependant à voir nos tristes clowns quitter la scène après cette pitoyable expérience.

Après ça, quand Jim Murple Memorial monte en scène, on se sent tout de suite envahi de sympathie : voici une joyeuse troupe de musiciens, visiblement heureuse de jouer du rockab', du ska et de la soul tout simplement, pour le plaisir d'un public de fans visiblement fidèles et conquis d'avance. Tout ce petit monde a le sourire aux lèvres, et surtout la chanteuse, bien énervée, avec sa bonne voix country-soul. Malheureusement, 40 minutes plus tard, alors qu'on a l'impression d'avoir écouté 10 fois la même chanson sur le même rythme, et que chaque harangue de la chanteuse nous rappelle que c'est un dur métier que d'animer des soirées dans les maisons de retraite (oui, ce style-là !), notre généreuse sympathie s'est muée en vague, mais persistante irritation. Quand le public commence à entamer une chenille (à quand la danse des canards ?), j'ai l'impression horrible de me retrouver à la salle communale du Creusot pour le Bal des Pompiers, et je me mets à flipper méchamment. Après un tel naufrage, difficile de rattraper la sauce, et les dernières 20 minutes me paraitront tout simplement interminables...

On a maintenant pris un retard conséquent, le reggae dub de nos rastas du 9-5 (je suppose) nous tape passablement sur les nerfs, et ce n'est qu'à 22 h 45 (au lieu des 21 h 50 prévus) que QueenAdreena commence son show, après une très longue, mais très professionnelle, installation du matériel. Si l'on pouvait avoir peur, avec Robert Gilles, que QueenAdreena, usé par des années d'insuccès immérité, sans maison de disque, bâcle un concert devant les quelques dizaines de fans massés devant la scène (on a enfin l'impression d'être à un VRAI concert de rock !), nous voilà vite rassurés : les deux ou trois premiers morceaux, sidérants de violence et de sensualité, constituent déjà pour moi l'une des grandes claques de la saison. Bon, quand on ne connaît que les disques, à mon avis moyens, du groupe, on ne peut pas imaginer la puissance trouble qui se dégage sur scène du spectacle de Queenadreena ! J'utilise volontairement le mot "spectacle", car c'est heureusement ainsi qu'il faut voir cette heure de transe érotique déjantée (ou alors ce serait trop... terrible : une sorte de bal de junkies nymphomanes, en rupture d'hôpital psychiatrique et en manque de substances illégales !).

Mais c'est un spectacle, et très professionnel : il faut voir KatieJane en nuisette déchirée et talons hauts entrer en transe perchée sur sa chaise, il faut écouter les riffs parfaitement dévastateurs d'un Crispin Gray au look de zombie héroïnomane, pour comprendre que tout cela est bel et bien maîtrisé. Ce qui n'empêche pas de prendre peur régulièrement devant les regards purement animaux, jetés par KatieJane à son public derrière le rideau de cheveux blonds qui cachera son visage quasiment tout au long du concert... Mais si le visage de KatieJane est soyeusement dissimulé, sans doute parce que la mise à nu de sentiments aussi extrêmes en public (il faut voir ce moment, hallucinant d'intensité, où KatieJane se met à tressauter comme une véritable épileptique pour que sa voix puisse cracher des hurlements encore plus déchirants !) nécessite ce dernier voile de pudeur, elle offre son corps quasi nu à son public : tous les regards, mâles comme femelles, restent rivés sur cette chair perpétuellement exhibée sous les lambeaux de sous-vêtements, magnifiée par des poses érotiques aussi stéréotypées (d'où la necessité de la chaise !) que rendues dérisoires par l'exhibition, nettement plus audacieuse, de sentiments torturés.

 Car QueenAdreena, bien loin de la déjante "sous influence" que j'attendais, est avant tout un show de pur sensualité, et même hautement excitant : le batteur, Pete Howard, survivant du Clash dernière époque, est un formidable cogneur qui ébranle les fondations de la salle et propulse les incantations possédées de KatieJane vers des hauteurs stratosphériques, tandis que ma préférée, la délicieuse bassiste Nomi Leonard, avec son look d'androïde déprogrammée tout droit sortie de Blade Runner, arpente la scène pieds nus, mimant au corps à corps avec sa basse une danse à la sexualité mécanique. Il semble d'ailleurs que ce soit plus l'alcool que l'héroïne le démon du groupe, car aussi bien KatieJane que Crispin s'hydratent sur scène à coup de bordeaux rouge (pour lui) ou de bourgogne blanc (pour elle) : KatieJane joue au sprinkler humain, recrachant à la verticale après chaque rasade un brouillard de goutelettes de vin, sans doute le meilleur traitement qu'elle a trouvé pour garder sa peau et ses cheveux de jeune fille (elle approche les 40 ans, et ne les fait pas une seconde... les séjours en hôpital psy et le rock extrême, ça conserve !), à moins que cela ne soit les sequelles de son travail dans l'Art Moderne comme "performance artist". Crispin se repeigne un coup, aplatissant sa crète de coq déplumé, avant de se lancer dans de terrifiants moulinets de guitare au dessus du public, Pete envoie une belle volée de glaviots bien gras vers KatieJane (comme quoi les années punk, ça ne s'oublie pas), Nomi danse sur place comme une poupée désarticulée à laquelle on aurait greffé un ou deux membres arrachés à des animaux morts, QueenAdreena peut se lancer dans la dernière ligne droite : "Fuck Me Doll", le dévastateur "Pretty like Drugs" - toujours l'une des plus belles tueries que l'ai entendues depuis des années -, et, en rappel, diaboliquement fascinant de perversité enfantine, "Suck" le bien nommé (car nous aurons même droit à un rappel de 10 minutes, après les 55 minutes rituelles !). Raah lovely ! Les musiciens de QueenAdreena quittent la scène, laissant KatieJane seule, psalmodiant une dernière comptine de petite fille démente et dégénérée dans l'obscurité.

Difficile après un tel choc de quitter la salle, surtout que dehors, le froid est bien agressif. On échange les premiers commentaires, on prend les désormais rituelles photos souvenir (encore un grand concert pour les books et le blog !), on achète le nouveau CD édité à compte d'auteur par QueenAdreena et pas (encore) distribué, et il faut bien se résigner à retourner au monde réel, certainement moins sexuel et pervers que celui de KatieJane, mais aussi, avouons-le, moins excitant ! »

photos de eric



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