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samedi 22 mars 2008

Elliott Murphy And The Normandy All Stars - Le New Morning. Paris.






Ce qu’en a pensé Eric :

« ... This is an Unreal City / You Can be Anybody / When You're Alone ... pour moi, c'est à ce moment-là de la soirée que tout s'est mis en place : "On Elvis Presley's Birthday", alors que les guitares mystérieusement (et magiquement) liées d'Elliott et d'Olivier font superbement exploser toute la tension accumulée, que les souvenirs d'enfance d'Elliott - les souvenirs de sa relation avec son père - se métamorphosent d'un coup en une vraie leçon de vie, nous révélant ce que nous savions peut-être déjà, c'est-à-dire que la manière dont nous avons conduite notre existence toute entière est la conséquence de ces années "de formation". Avec Gilles B à ma gauche, qui découvrait Murphy pour la première fois (et nous étions tous un peu angoissés, nous les fans de plus de trente ans, que notre ami n'aime pas, ou, pire, ne comprenne pas notre fidélité au bonhomme). Avec Patricia C à ma droite, qui voyait Murphy pour la première fois sur scène, et qui prenait ça, de toute évidence, comme une manière de se prouver à elle-même l'existence d'une sorte de divinité en ce week-end pascal. Avec Sylvie derrière moi qui, qu'elle soit pardonnée, dévorait des yeux le mignon Olivier, sans doute le seul véritable guitar hero que la France ait portée en son sein, transformant chaque solo pris en un moment d'intense plaisir. Avec Vincent au milieu de la salle, qui était "comme un enfant" ce soir, excité, joyeux, intarissable, Vincent qui n'avait de sa vie, jamais manqué un concert d'Elliott à Paris depuis... 1974 ou 75, Vincent ? Avec autour de moi, une foule improbable de mères et de pères, de
grands-mères et de grands-pères aussi à coup sûr, qui rayonnait d'extase, bruissait de bonheur, tanguait sans fin dans les bras les uns des autres sur le moindre refrain. Oui, tout s'est mis en place : Elliott Murphy, quel que soit son degré de célébrité planétaire - proche de zéro, aujourd'hui, mais qui a jamais cru qu'il y avait une justice ici-bas ? -, c'est un élément constituant décisif de notre personnalité, de notre croyance dans le monde et sa mystérieuse beauté, et la fidélité que nous ressentons au fond de nos coeurs pour ce baladin élégant, toujours aussi beau à 59 ans, va plus loin que la seule adoration d'une rock star de plus. Comme Bowie (dont une rumeur affreuse prédit en ce moment la mort proche, une horreur que je me refuse à considérer), comme Springsteen peut-être, Murphy a été un pilier sur lequel nous avons construit notre foi en l'homme, l'amour et l'art, et pas forcément dans cet ordre.

Bon, mais revenons à cette soirée du samedi 22 mars, à ces 2 h 40 de joie, d'excitation, de vrai bonheur même, occasionnellement. Murphy était donc au New Morning comme tous les ans à cette époque de l'année, proche de son anniversaire, pour un concert devenu un véritable rituel, et occasionnellement promouvoir son nouvel album, qui en a bien besoin à une époque où ni les maisons de disques ni les distributeurs n'ont rien à faire d'un artiste au profil aussi bas. Dehors, à 19 h 30, les inévitables giboulées de mars glaçaient la petite foule de quinquagénaires massés devant l'entrée, hésitant entre l'excitation de retrouver des sensations perdues ("nous les jeunes, voilà comment on nous traite !") et l'exaspération (l'ouverture des portes du New Morning s'avérant un chaos total, comme souvent). Dedans, l'envoyé spécial des Rock'n'Roll Motherf***s, Vincent, présent depuis 16 h 30 au sound check, nous avait fait savoir qu'Elliott avait le trac, comme apparemment toujours avant SON concert parisien. Bien placés au premier rang, à gauche, juste en face de l'ampli d'Olivier, nous sommes prêts. Gilles B est un peu consterné, comme toujours dans ses occasions, par l'âge du public (j'avais été moi-même incrédule en entendant dans la queue un spectateur qui avait visiblement notre âge, appeler sa maman pour qu'elle le rejoigne, raaahhh !), mais il changera d'avis devant l'enthousiasme et la chaleur qui se dégagera immédiatement des fans.

Il est un peu plus de 21 h 00 quand les Normandy All Stars montent sur scène, et si je craignais par avance la comparaison avec le groupe plus "international" de l'année dernière, je suis très vite rassuré : les Français jouent un rock'n'roll sobre, serré et fort, comme on l'aime. Olivier, que visiblement tout le monde adore, et qui est en effet vraiment adorable avec son visage de chérubin souriant et ses chaussures assez bizarres (Elliott lui en a promis de nouvelles pour son anniversaire s'il arrivait à vendre assez de CDs ce soir !), joue plus que magnifiquement : à quelques centimètres de sa guitare et de ses doigts, comme nous sommes placés, c'est un régal de contempler la légèreté de sa touche, la fluidité de son jeu, et la clarté de chacune de ses interventions, en particulier à la slide. Avouons-le, Olivier seul aurait pu suffire à notre bonheur, mais bien sûr, tout cela se passe sur les chansons d'Elliott, qui ne sont pas une mince affaire. Le set de ce soir est largement consacré au nouvel album, "Notes from the Underground", que personne ne connaît encore bien. C'est à la fois un peu décevant - d'autant que toutes les compos ne sont pas brillantes, mais toutes sont interprétées avec une fougue revigorante - et aussi rassurant : voici un artiste qui, après plus de 30 ans de carrière, regarde devant lui plutôt que derrière. Et il est fort possible que le flamboyant "And General Robert E. Lee" devienne un nouveau "classique" qui s'ajoute à la longue liste de ceux déjà écrits par le Murph ! Alors, ces classiques, qui sont comme du miel dans nos oreilles et du baume dans nos coeurs, parlons en : "Sonny" (les fans font les oiseaux quand Murphy chante "fly like a bird", ah ah...), "Green River" (premier moment d'intensité, premier véritable envol de la soirée), "Canaries in the Mind" (toujours très très fun, difficile de croire qu'il s'agit d'un morceau composé en... 2007 (!) tant il passe comme un "standard"), "You Never Know what You're In For" (pas aussi bouleversant que l'année dernière à mon avis, car joué avec une sorte d'efficacité tranchante qui contredit un peu ses paroles blêmes et ferventes), "The Last of the Rock Stars / Shout" (une sorte de sommet ce soir, je dois le reconnaître même si ce n'est pas mon morceau favori d'Elliott, avec ses ouh ouh à la joie communicative), "A touch of Kindness" (2007 encore ! et le chorus de guitare d'Olivier est particulièrement exaltant), puis "Diamonds by the Yard", forcément, avec ces quelques lignes qui ont tout simplement défini la moitié de ma vie amoureuse ("Midnight I surrender / I live beneath your ancient spell / You've been my lover since I can't remember / You saved my life with stories you tell" - terrassant !).

Vient le moment des rappels, qui démarrent par la désormais classique interprétation "sonique" de "LA Woman" (3 guitares déchaînées, avec le fiston Gaspard qui, comme l'année dernière, vient jouer et chanter avec papa - Gaspard qui a grandi et s'est affiné en un an, joue encore mieux, et va faire bientôt autant craquer les filles que son père), permettant à Elliott de répéter sa blague sur la différence entre Jim Morrison et lui (sourires), et qui se poursuivent par une ribambelle de chansons parfaites : "I Want to Talk to You", "Come On LouAnn", "A Change Will Come", "Let It Rain" - particulièrement émouvant et puissant avec le soutien du public et de deux choristes, dont l'un était apparemment membre de Pow Wow. On ne veut plus qu'il parte, Elliott, alors lui et sa bande reviennent une dernière fois pour faire la fête sur scène, a capella, et nous quitter dans un sourire et une plaisanterie... ce qui nous va bien, car, quand on a atteint (voire dépassé) la cinquantaine, on a bien tous compris qu'il valait mieux rire de tout ça !


Ce soir, et si je le compare avec mes souvenirs du 16 mars 2007, le concert a été moins émouvant mais plus rock, plus électrique - Olivier et sa guitare ont été parfaits, n'ayons pas peur de nous répéter -, et Elliott a été moins bavard mais tout aussi chaleureux, beau, magnifiquement humain. Je me suis dit que connaître Elliott aujourd'hui, c'est un peu tutoyer les étoiles, ou plutôt réaliser - il n'est jamais trop tard - que votre voisin (Elliott est notre voisin, comme nous il peste contre les sens uniques qui changent toujours à Paris !) peut avoir écrit parmi les plus belles chansons de l'histoire du Rock, en tout cas certainement les plus belles de l'histoire de votre vie. Alors, pour bien finir cette nuit un peu enchantée, Patricia et moi sommes allés nous présenter, et lui avons dit tout ce que notre adolescence lui devait. Elliott était tout timide, ça faisait évidemment très drôle de parler au fantôme vieilli de nos rêves (Scott Fitzgerald et The Great Gatsby, Patti Smith en Lady Stilletto, Geraldine sous un porche avant Françoise, et toute cette sorte de choses), et Vincent a pris les photos.


Voilà. "As I Lay Down, with my Lady / The Sounds of the Night Keep me Warm / .. / Tonight there's no Reason to be Strong" : c'est exactement ça.



photos de vik



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