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mardi 15 juillet 2008

Eli "Paperboy" Reed ~ La Maroquinerie. Paris.













Ce qu’en a pensé Eric :

« Au coeur de notre passion pour le Rock, il y a inévitablement le désir un peu inavouable d'avoir toujours une longueur d'avance sur le grand public, d'être les premiers à découvrir un nouvel artiste, un nouveau groupe, quitte à vouer plus tard aux gémonies une musique que l'on a aimée une fois qu'elle a atteint le succès populaire. En permanence à l'affût de nouveaux noms dans les media (hier dans les journaux ou magazines, aujourd'hui sur le net bien sûr), nous nous sommes retrouvés ainsi, au fil des années, aux premiers concerts français, dans des salles minuscules, de futurs triomphes planétaires... Ce mercredi estival, dans une capitale loin d'être pourtant désertée encore par ses habitants (effet de la crise ?), nous faisons partie, avec Gilles B, des quelques dizaines de personnes qui ont fait le pari d'assister au premier concert donné en Europe par Eli (prononcez "I-laï")"Paperboy" Reed & The True Loves, celui que l'on présente sans rire comme "le Amy Winehouse masculin", et qui a plutôt décidé de réclamer la couronne du royaume Marvin Gaye-James Brown.

Lorsque je retrouve Gilles B, vers les 19 h 30, il me paraît vaguement inquiet d'être ainsi entouré, devant les portes encore closes de la Maro, d'un public aussi hétéroclite que peu rock'n'roll. La moyenne d'âge est vraiment élevée ce soir, une bonne partie des gens ici pouvant être, non pas les parents, mais les grands-parents du poupin Eli, et leur "dress code" - costume cravate par ici, robe habillée par là - n'étant pas le plus approprié pour une salle comme la Maro : on verra leur surprise à découvrir la petite salle assez rustique, et d'avoir à s'asseoir à même les marches, pour une assez longue attente (pas de première partie ce soir...). Mais pas de crainte à avoir, ce public - inhabituel, sans plus - se révèlera parfaitement impeccable pour le show de ce soir, connaissant bien les chansons, visiblement prompt à l'allumage et à soutenir les efforts du groupe avec force cris d'enthousiasme et claquements de mains...


Eli monte sur scène avec son mini-big band - un peu tassé, surtout les trois cuivres au coude à coude, juste devant Gilles et moi - vers 20 h 45, et met la barre d'emblée très haut avec un morceau costaud et rentre dedans - pas sur l'album : le son est impeccable, puissant et hargneux, avec la voix, heureusement, bien distincte. L'accroche est immédiate, surtout lorsque se morceau se termine sur une montée en puissance impressionnante, finalement assez inattendue par rapport à un album un tantinet conventionnel, voire "routinier", en tout cas profondément ancré dans une tradition qu'Eli tient visiblement à perpétuer et à respecter. De cette tradition d'une musique née dans les églises noires du Sud des Etat-Unis, Eli a gardé le look (costume-cravatte-chaussures sombres, chemise blanche, et pas question de déserrer le noeud de la cravatte malgré la chaleur torride dans la salle), le discours (la Bible est citée au cours des 5 premières minutes, ce qui ne me réjouira pas, vous vous en doutez, le soupçon "d'intégrisme musical" se doublant alors d'intégrisme tout court) et surtout le style : exalté comme un prêcheur pentecôtiste, souriant comme un croyant convaincu (en la force de sa musique), Eli nous fait le show comme si l'on était encore au début des années 60 lorsque les blacks se révoltaient pour leur "civil rights". Car Eli se croit visiblement black, et si sa voix n'a pas toujours sur le disque la texture et la beauté de celle d'un Al Green, sur scène, avec l'énergie que lui et les True Loves déploient, il arrive à donner le change. Ah ! les True Loves, parlons-en ! Car la réussite de la soirée doit leur être attribuée autant qu'à la voix d'Eli : un batteur spectaculaire, parfois en transes, des cuivres musclés et hilares, un guitariste-slacker aussi passionné de cette musique qu'Eli, mais surtout un enthousiasme et une cohésion qui font la différence, et portent le concert au-delà du simple exercice de style.

Car, bien entendu, ce qui menace cette musique, c'est son respect absolu des codes d'un genre aussi magique que légèrement suranné (d'où ce public, aussi vibrant et passionné que, quelque part, un peu momifié dans l'adoration d'une musique passéiste...) : finalement rien ne distingue vraiment les compositions d'Eli (l'album sera joué dans son absolue intégralité, augmenté de quelques morceaux, soit nouveaux - ce sera annoncé - soit inconnus pour nous, à une exception près, on y revient tout de suite) des classiques de la grande époque soul-rythn'n'blues. C'est un compliment, mais aussi un problème lorsque l'on croit, comme moi - et Gilles B - que la musique doit avancer pour vivre. Bon, foin de récriminations, ce soir a été quand même dédié au plaisir pur de la soul la plus torride, et, à part quelques petites baisses de régime occasionnelles, Eli & The True Loves n'ont pas déçu : les meilleurs moments de la soirée ont été pour moi "The Satisfier", grande chanson "james brownienne", un nouveau morceau plus rock intitulé, je crois, "Love of a Man", et surtout le premier rappel, presque parfait... D'abord une belle version de "I'll Roll With You", avec un Eli en solo - juste une trompette derrière -, puis "Boom Boom" : Eli, quasi-possédé, a laissé tomber sa guitare, et peut vraiment s'abandonner à l'extase religieuse de la musique, le public est maintenant bien chaud, le groupe s'amuse visiblement, tout s'ajuste parfaitement pour un final vraiment excitant. Au second rappel, ce sera LA surprise, qui jette rétroactivement une lumière un peu différente sur Eli et son show : un morceau strident (les cuivres hâchés), aux paroles qui convoquent des souvenirs au fond de la mémoire de Gilles B, notre expert absolu... pas reconnu sur le coup, mais quand j'aborde Eli à la fin du concert pour le féliciter, il le crache le morceau : c'était... "ACE OF SPADES" ! Méconnaissable bien sûr, mais quand même, on a du mal à imaginer ce grand garçon un peu rondouillard et très propre sur lui, fan de Mötörhead !

En tout cas, voici qui termine bien cette jolie soirée, et ce concert d'une heure vingt quand même, plein d'enthousiasme et de générosité. Bon, pas sûr, pour revenir à ce que disais au début, que nous ayons vu ce soir le futur du Rock'n'Roll, mais en tout cas, voilà une bien belle manière de transpirer un soir de Juillet ! »





photos de eric

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