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jeudi 28 mai 2009

Black Lips ~ Le Cabaret Sauvage. Paris.












Première Partie: ARIEL PINK +



Ce qu’en a pensé Eric :



« Quand j'arrive devant cet espèce de chapiteau miteux et démodé qu'est le Cabaret Sauvage, planté au coeur du parc de la Villette, j'ai une bonne heure de retard sur mon programme pour cause d'une réunion qui s'est étirée au delà du raisonnable. Le premier groupe de la soirée, Ariel Pink (avec son groupe Haunted Graffiti) démarre son set, et c'est assez effrayant, entendu à travers les murs pourraves : j'ai l'impression de mauvais Libertines (oui, je sais, certains vont ricaner : quand j'entends un mauvais groupe et un mauvais chanteur, je pense automatiquement à Pete Doherty, hi hi...), et je m'attends au pire. Mais quand j'ai enfin rejoint - sans difficulté d'ailleurs - Gilles B, Philippe M et Brigitte au premier rang, le groupe sur scène est en train de jouer une sorte de prog rock 70's à connotations jazz assez hallucinant, avec des plongées délirantes, disons comme si Of Montreal reprenait du VDGG première époque. On sent d'ailleurs que ça pourrait décoller, si les musiciens - et surtout le chanteur au look capillaire euh étrange - étaient un peu plus concernés (effet de substances illicites ?). D'un coup, on change d'époque, et, mis à part une chanson pas ininitéressante (Flashback ?), on navigue maintenant dans un rock californien fadasse, interprété par un groupe de baloche au fin fond de l'Ariège. Et puis on finit la (longue longue) heure que dureront ces... réjouissances par un retour (d'acide ? de renvois gastriques ?) sur le Todd Rundgren de "A wizard, a true star" avec ouh ouh soul et boucles d'orgue Roland dissonnnantes. Et toujours ce chanteur, planqué derrière ses lunettes noires, sorte de croisement miniaturisé entre Mickey Rourke jeune et David Johansen, qui ne manifeste aucun intérêt pour ce set. Sur le net, Ariel Pink bénéficie d'un buzz non négligeable en tant qu'artiste d'avant garde, mais ce que nous avons vu ce soir sonne plutôt arrière garde, à mon humble avis... ! Mais l'honnêteté me pousse à reconnaître que trois personnes à côté de moi nageaient en pleine extase ! Comme quoi, tous les goûts etc. etc.

Bon, les 50 minutes qui suivent, comme prévu, représenteraient une sorte de vision de l'enfer sur terre pour 90% de la population "normale" de la planète ! Mais pas pour nous, fans de rock'n'roll ultime !! Aspergés de bière, recouverts de crachats, broyés par l'habituelle bande d'abrutis qui doivent se mettre à 10 pour atteindre un QI de 85 (le public standard des Black Lips, je ne peux rien dire, j'étais prévenu...), agressés en permanence soit par les musiciens déjantés, soit par le public déchaîné, nous sommes dans un putain de concert de putain de rock'n'roll : du garage, du saignant, du répugnant, du violent. Mais ce qui me ravit, entre deux coups et deux poussées, c'est à quel point cette musique est bonne ! Excellente même ! Pas besoin de connaître les chansons à l'avance, on accroche immédiatement, chaque riff sursaturé, chaque mélodie épileptique nous ravit, du coeur au bas ventre en passant par l'estomac, mais sans jamais même effleurer le cerveau, un organe qui ne sert à rien quand vous assistez à un concert des Black Lips... Garage, qu'on appelle ça, mais moi, fan ultime des Kinks ou des Beatles, je ne suis pas dépaysé non plus, car je retrouve derrière cette énergie brouillonne et crue un vrai savoir-faire dans les compositions ! Allez, j'ose le dire, dans le genre "chats de gouttière vivant dans les poubelles", le quatuor a même une classe épatante : devant moi, le guitariste fou Cole Alexander (il me semble...) essaie de rattraper ses propres crachats avec la bouche, avant de lécher le manche de sa guitare tout en jouant, et de se jeter dans la foule sans cesser de mouliner. Il a tendance à arracher le fil de sa guitare assez régulièrement, à force de courrir dans tous les sens sur scène d'un air très énervé. Il suscitera mon admiration sans réserve grâce à sa capacité originale de jouer de la guitare dans à peu près toutes les positions imaginables : en se roulant par terre, porté par les spectateurs, etc. Le batteur est un fou furieux, sans qu'aucun autre qualificatif ne soit nécessaire pour qualifier l'ouragan derrière les fûts. Le chanteur et bassiste, Jared - je crois - est presque euh normal, si l'on oublie qu'il chante faux la plupart du temps. L'autre guitariste, dans le fond, est carrément répugnant avec l'intégralité de ses dents remplacées par une denture en or ! Brrrrrrrr ! Tout cela ne dure que 50 minutes, donc, mais 50 minutes parfaites d'intensité, de joie méchante et de délire largement pervers. Au point que, à la fin, on est partagés entre : 1) la fierté assez bête d'avoir survécu au premier rang, et de n'avoir pas cédé un pouce, sans avoir pris pour autant un coup de boule, voire un coup de couteau, pourquoi pas ? 2) le regret quand même de ne pas pouvoir avoir pu jouir pendant 30 secondes d'un peu de tranquilité pour mieux profiter de cette tornade...

Il n'est pas loin de 23 heures, et on attend Liars avec un indéniable scepticisme, car comment peut-on faire pour exister sur scène après les Black Lips ? Après la foire joyeuse chez les attardés, Liars nous propose hystérie et neurasthénie chez les schizos. Quand le trio entre en scène, impossible de ne pas trouver ça impressionnant : une pulsation tribale (la batterie est en fait le seul véritable instrument dans la musique de Liars, créant un martellement continu sur lequel une ou deux guitares, voire une basse viennent rajouter quelques crachottements électriques), et par dessus, des hurlements, des gémissements de bébé psychotique... Soit une sorte de musique de l'âme esquintée, à mi chemin entre primitivisme et rock industriel. C'est impressionnant de voir Angus, le géant chanteur, se laisser complètement aller à délirer de longues minutes dans son micro, alors que, derrière lui, ses deux acolytes se contentent d'alimenter une sorte de pulsation mécanique (je n'ai pas repéré beaucoup d'électronique dans la musique du groupe, mais peut-être me trompé-je...) ininterrompue. Le problème, pour moi, c'est qu'il n'y a là finalement que stase, sans tension, donc sans explosion. Et que, jamais, jamais, la moindre beauté, même la plus malade, ne surgit de cette auto-torture masochiste et finalement assez complaisante. Au fil des cinquante minutes du set de Liars, l'excitation qu'avait fait naître en moi leur apparition hystérique s'éteint peu à peu, et je décroche devant ce qui ne me semble être qu'un spectacle bruitiste, certes ambitieux, mais assez creux. Là encore, je dois dire que le groupe semble avoir des fans inconditionnels, qui, extatiques, martèlent à côté de moi la scène en rythme en hurlant le plus fort possible. Derrière nous, c'est à nouveau la mêlée, même si nous serons considérablement moins bousculés que pour Black Lips : un petit groupe de fans se laisse aller à délirer en trépignant, en poussant des cris et en agitant leurs bras dans tous les sens à l'image de leur idole sur scène. Curieusement, mais logiquement (?), il n'y a nulle joie, nul plaisir ici, juste des soubresauts de malheureux s'agitant dans leur camisole de force. Finalement, Liars ne joue pas du rock'n'roll, malgré les guitares saturées, mais quelque chose d'autre, loin d'Iggy Pop ou de QueenAdreena auxquels on pourrait d'abord penser (la scène comme lieu d'offrande de son corps et d'exorcisme de ses démons...) : on est plutôt entre l'installation d'art conceptuel, si l'on veut, et l'atelier libre d'expression des pulsions les plus refoulées.

Voilà, il est presque minuit, et on sort de cette soirée délirante et sauvage (oui, oui) rompus, mais satisfaits d'avoir exploré plus de trois heures durant les confins de la musiaue actuelle : bonne nouvelle, le titre du festival, "la Villette Sonique" correspond parfaitement au - courageux et stimulant - programme proposé ce soir au bien nommé - Cabaret Sauvage. »





photos de eric

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