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jeudi 4 juin 2009

Neil Young ~ Le Zénith. Paris.





Première Partie: LAURA MARLING






Ce qu’en a pensé Eric :
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« Mais pourquoi, alors qu'il est 23 h 30 à Paris, voit-on des milliers de personnes les yeux brillants, un grand sourire sur le visage, traverser le Parc de la Villette dans la nuit douce de juin ? Parce qu'ils viennent d'assister aux deux heures grandioses, mémorables, mirobolantes, étonnantes, épiques, époustouflantes, bouleversantes, revigorantes, excitantes, terrassantes, inoubliables, stupéfiantes, réjouissantes (rayez la mention inutile... Oh et puis non, ne rayez rien du tout puisqu'il n'y a aucune mention inutile !) de concert que Neil Young (and his Electric Band !) vient de donner au Zénith...

Mais ce n'est pas parce qu'ils ont vu Laura Marling, non, qui a ouvert ce soir pour le jeune, le grand Neil : non, elle, ils l'ont déjà oubliée, puisqu'ils n'ont eu droit qu'à une petite demi-heure de "musique de vieux" - certains dirons de musique intemporelle, je ne leur chercherai pas noise pour autant ! Vous me direz, vu l'âge moyen du public qui s'entassait dans le Zénith - logiquement - complet ce soir, tout cela était très logique... Mais bon, on pouvait toujours espérer un groupe grindcore ou surf-metal-garage, hein ? Laura Marling joue donc à la guitare acoustique des chansons sans âge, mais surtout sans âme, accompagnée par un trio de musiciens effroyablement professionnels, propres sur eux et tout et tout (claviers, violoncelle, batterie). Cette musique, bien chantée, bien jouée, est d'un ennui terrible, je dois dire, et je suppose que les quelques applaudissements qui s'élèvent de la foule reconnaissent le euh... professionalisme (encore, oui) de tout celà, pas l'inspiration. Curieusement, c'est quand la (jolie) dame termine le set, seule, pour deux chansons plus dépouillées, qu'on pourrait sentir un peu d'émotion poindre... Mais le moins qu'on puisse dire, comme me le faisait remarquer Aurélie, arrivée en compagnie de son frère Dan, c'est que tout cela "ne respirait pas la joie de vivre !". Et puis, comme je le disais récemment, cette marée folk depuis quelques années commence à ressembler à une vraie menace écologique !

Bon, ce soir, on n'était pas là pour rigoler, mais pour se prendre encore une fois, avec le vieux tigre (une dernière fois ? On ne sais jamais...), notre dose de décibels. Pour voir encore une fois l'un des vrais géants vivants du rock à l'heure... La set list du concert de la veille m'avait fait saliver, et je priais pour que la police du son - qui nous avait gâché My Bloody Valentine au même endroit - ne soit pas à l'oeuvre ce soir... Avant que les hostilités ne commencent, quelques quolibets à l'intention de spectateurs pleins de principes discutables ("je suis petit(e) donc j'ai le droit de passer devant" et "si tu ne me laisses pas passer, c'est que tu n'a pas compris le "spirit", man !") avec lesquels nous frôlerons l'échauffourée : comme quoi, plus on devient vieux, plus on devient c., non ? Mais bon, ces différends un peu ridicules seront vite oubliés, quelques minutes plus tard...

La scène est, comme toujours avec Neil, envahie par un vaste bordel assez indescriptible, avec des amplis bizarres, des euh... meubles ?, des gros projos de cinéma, un vieil orgue tou au fond de la scène, etc. etc. Et Neil Young arrive, accompagné du même groupe que lors de sa précédente tournée : Ben Keith, Rick Rosas, Chad Cromwell, Anthony Crawford et sa femme Pegi aux choeurs. Mais on voit tout de suite que lui est bien plus jeune que lors de son précédent set au Grand Rex, un set qu'on se remémore comme beau mais un peu fatigué : cette fois, le Canadien enragé va ni plus ni moins nous prouver que la jeunesse éternelle existe, et que sa source se nomme : "rock'n'roll". Il attaque d'emblée par un superbe Love and Only Love, et, même si le niveau sonore est un peu en deça de nos espérances, la guitare a cette sonorité apocalyptique que nul n'est arrivé à copier, et un frisson parcourt la foule : on est partis pour quelque chose de finalement un peu inattendu, un concert allant au delà de nos espoirs, ce que les vieux Rock'n'Roll Motherf***s appellent "un concert mythique" (même s'ils usent de ce terme un peu à tort et à travers... ce soir, c'est le mot juste !).

Deuxième morceau : Neil attaque My My Hey Hey, comme ça, au bout de dix minutes, et je sens les larmes qui montent en moi. Je hurle avec tout le monde : "the King is gone, but he is not forgotten, this is the story of Johnny Rotten !". C'est déjà le grand frisson qui nous saisit, des pieds à la tête, le basculement irrémédiable dans l'extase. Autour de nous, des gens qui paraissaient raisonnables sont en train de brailler : "Rock'n'Roll is here to stay !". Le visage de Neil est tordu par son habituel rictus diabolique, et comme un forcené, il tire de sa guitare ce son tellurique, complètement bouleversant, qui fait de lui le "Picasso des guitaristes" (dixit Dan, qui n'a pas tort, pour le coup : sans doute a-t-il fallu apprendre, puis désapprendre toute la technique du monde, dont se sont repus les Clapton et autres Knopfler, pour arriver à tirer des notes aussi essentielles, aussi vitales, d'une 6 cordes). On est déjà dans un autre monde, à un autre niveau de réalité, dont on ne sortira pas.

A partir de là, à quoi bon détailler chaque titre d'une set list parfaite ? Pas un moment faible en deux heures (même Get Behind the Wheel, blues rock heavy, extrait du récent "Fork on the Road" aura été jouissif ce soir !), et un juste mélange de classiques incontournables (Heart of Gold, pas un gramme de poussière 35 ans plus tard, Like A Hurricane avec un final spectaculaire inédit) et de (bonnes) surprises (une version métallisée et sursaturée du rare Pocahontas, par exemple) ? Je vais me contenter d'évoquer quelques moments un peu plus exceptionnels parmi tant :

- Cortez the Killer : rarement jouée, cette pierre de voûte de l'oeuvre du Loner nous a déchiré l'âme ce soir, longue plainte hallucinée au coeur d'un monde incompréhensible et cruel, évocation révoltée du Mal à coup de solos fluides et de mots définitifs, pour le coup. Les larmes brouillent ma vue quand à la fin, Neil, dur et résigné (non, pas résigné, mais lucide), nous assène sa conclusion : "Cortez, Cortez... What a Killer !". Une des chansons vraiment essentielles de la fin du XXe siècle, ni plus ni moins.

- Old Man : si "Harvest" reste contre toute attente (trop calme ? Trop propre ? Aurait-on pu croire il y a 35 ans..) l'un des plus grands albums de l'histoire du rock, l'interprétation de ses titres sur scène m'a souvent semblé une sorte de passage obligé (les "crowd pleasers") un peu convenu, voire ennuyeux. Or, ce soir, il n'en est rien : on a tout simplement l'impression d'entendre Old Man pour la première fois, ou plutôt que Neil le joue comme s'il l'avait composé le matin même : c'est frais, c'est bouleversant (n'oublions pas qu'il s'agit d'un récit d'incompréhension mutuelle entre deux hommes, chacun à l'extrémité de la vie : l'un jeune et à l'aube d'un succès commercial planétaire, l'autre, vieux, et vivant de peu à l'écart du monde...). En plus, l'écouter ainsi jouée par l'ancien young man devenu un old man jette une perspective nouvelle sur son propos. Et puis, les cordes métalliques de la guitare de Neil claquent, et puis le banjo vient faire littéralement léviter le public (nouveaux hurlements), et puis la voix de Neil, qu'on avait entendue fatiguée et brisée ces derniers temps, résonne de nouveau de cette candeur quasi immémoriale qui en fait l'une des voix les plus exquises, les plus terrassantes de la musique. C'est tout simplement grand. Après, plusieurs d'entre nous parlerons de poils ou de cheveux dressés sur la tête. Moi, je pleure, c'est dans ma nature, sorry !

- Rocking in the Free World : le rock comme cri de rébellion dans un monde qui nous asservit toujours plus à coup de lois, de religion, de politique, de crises, c'est bien entendu "l'anthem" ultime du vieux tigre. Mais ce soir, comme jamais avant, Neil Young and His Electric Band jouent ce morceau emblématique - et pourtant moins reconnu que My My Hey Hey ou Like A Hurricane - avec la puissance d'un "groupe de stadium rock". Mais là où U2 - au hasard - irrite avec ses guitares héroïques et son goût pour la foule en délire, Neil se contente d'être parfaitement en phase avec ce que nous avons au fond du coeur : les riffs se font déluge électrique, la salle - des milliers de bras dressés, bien sûr, des milliers de gorges qui hurlent : "Keep on Rockin in the Free World" - est illuminée, le groupe sur scène n'a pas d'âge, Neil représente le parangon du rock, le sage qui n'a pas oublié le goût de la révolte. Curieusement, paradoxalement, loin de tout cliché, transcendant la moindre tentation de second degré, Neil est bien le Dernier des Géants. Géant. Géant. Géant. Le bonheur. Le bonheur. Le bonheur.

- A Day in the Life : oui, il nous la fallait, pour finir en beauté, celle-là, l'interprétation par Neil de l'un des plus beaux titres réellement écrits en commun par Paul et John. On sait depuis l'année dernière que Neil a trouvé comment respecter à la lettre la beauté surréaliste et tremblante de A Day in the Life, tout en transcendant le chaos orchestral un peu arty et tongue-in-cheek qui l'encadre : sa voix évoque mieux que celles de McCartney et Lennon même les accidents de la vie, tandis que que sa guitare, qui finit dépecée de ses cordes et hululante, semble figurer mieux que l'orchestre symphonique de 1967 le désespoir existentiel. On peut donc dire que Neil a encore trouvé comment magnifier ce morceau exceptionnel, et que la version qu'il en livre ce soir est l'un des sommets de sa carrière (mais bon, un court-circuit Beatles-Neil Young, c'est déjà un rêve en soit, non ?) : j'ai regardé un instant autour de moi les visages des spectateurs au moment du "ah ah ah" crescendo de la dernière partie de la chanson, et je vous jure que j'y ai lu une vraie foi. A croire qu'en 2009 comme en 1967 (plus qu'en 1967 ?), le rock'n'roll peut sauver le monde... D'où ces yeux brillants, ces sourires en sortant du Zénith.

Un dernier mot sur le public de ce soir, qui mérite un hommage vibrant : car ce public, formidablement réactif à chaque morceau, connaissant les mots, anticipants les attaques soniques, admiratifs devant les coups de force de Neil, vibrant à l'unisson aux moments les plus intenses du set, a aidé Neil et son groupe a atteindre les nues. L'intense joie, la satisfaction et la reconnaissance que l'on pouvait lire à la fin sur les visages de Neil - que l'on sait peu enclin aux démonstrations - et de ses musiciens en disaient long : ce soir avait été exceptionnel, pour eux comme pour nous.

Voilà, c'était la 6ème fois (seulement !) que je voyais Neil Young en live, et j'ai envie de dire que ça aura été la meilleure... Voilà, je sais bien que la vie continue, que la musique ne change pas vraiment le monde, mais laissez moi pour quelques instants encore savourer le souvenir de cette puissance et de cette beauté ! S'il vous plait...»





photos de eric






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