OPENING : David Thomas Broughton
« Un froid glacial, totalement hors de saison règne sur Madrid, un froid à effrayer les oiseaux de Shearwater. La brumeuse mélancolie et le lyrisme un peu tordu de leur musique résisteront-ils à l'ambiance polaire de cette fin d'hiver sans fin ? Je ne suis pas sûr en tous cas que nous soyons bien nombreux à braver les éléments ce soir pour ce groupe, aussi petit en popularité que grand en talent, et je trouve que le Moby Dick se remplit bien lentement. Vous aurez compris en me lisant que je porte Shearwater très au chaud contre mon coeur, depuis que j'ai suivi le conseil de mon incontournable ami Gilles B, et que je me suis risqué dans les contrées étrangement désolées et pourtant lumineuses de la musique de ce groupe, des contrées parcourues, à pied ou en barque, par seuls quelques ornithologues obsédés. Un dernier mot d'introduction : Shearwater est le rejeton d'un groupe non négligeable, Okkerville River, mais ils ont à mon sens largement dépassé en transcendance la "maison mère", prolongeant les explorations maritimes d'un Echo and the Bunnymen circa "Ocean Rain", en les enrichissant d'audaces vocales ou mélodiques pour le moins saisissantes : sur le net, on cite à leur propos, pêle-mêle, Anthony (and the Johnson) et Scott Walker, c'est dire à quel point on est tous largués quand il s'agit de trouver des références à la musique de Shearwater. Certains trouvent cette musique trop lugubre à leur goût, moi elle m'emplit d'espoir, comme un oiseau attendant la brise qui permettra son envol.
A 21 h 25, c'est déjà un drôle d'oiseau qui monte sur scène : David Thomas Broughton, qui se lance dans une longue mélopée de 30 minutes, mêlant boucles souvent cacophoniques, arpèges délicats de guitare acoustique, chant superbe et décalé, et intrusion déconcertante de tics et de tocs, d'incidents incongrus et de gestes maniaques : un peu effrayant par instant, quand il se perd dans une succession de manipulations doucement névrotiques d'objects divers (son écharpe, ses instruments, son fil de micro, ses lunettes, etc. etc.). On est parfois proche de l'installation d'art concret, entre musique destructurée, boucles déstabilisantes faites de quintes de toux, d'objets heurtés, et chorégraphies d'autiste, mais on ne s'ennuie pas une seconde. Il est rejoint par deux musiciens de Shearwater pour faire un peu plus de bruit (a priori, Kevin Schneider à la guitare, tournant le dos au public, et Thor Harris avec un instrument à vent dont ma méconnaissance des instruments "classiques" ne me permettra pas de vous dire de quoi il s'agit...). Puis, alors qu'il va quitter la scène après un final tonitruant, Jordan Geiger (de Shearwater aussi, bien sûr...) s'installe aux claviers pour l'accompagner d'une voix - stupéfiante - d'ange sur une vraie chanson, qui a évoqué au fond de moi certains moments magiques de Sparklehorse (grand groupe disparu, encore un...), sans que je sache pourquoi. En tous cas, voici 35 minutes originales, entre malaise sourd et beauté sereine.
22 h 10: Shearwater, Jonathan Meiburg et ses quatre musiciens, dont Thor le batteur nain et poilu qui fait peur (mais est super sympa, vous savez !) et Kimberley Burke, la ravissante bassiste / contrebassiste qui ne sait que sourire avec l'air d'être aux anges, sont sur scène. Ça commence très fort avec Black Eyes, l'un des morceaux les plus évidents (on ne dira pas "commercial", ce serait exagéré...) de "The Golden Archipelago", le nouvel album qui sera au centre du set de ce soir. Tout de suite, il saute aux yeux et aux oreilles que, à la différence de nombre de groupes actuels, Shearwater sait parfaitement la différence entre une interprétation "live" et une version "album" : chaque morceau joué ce soir sera comme "boosté" par une interprétation "bigger than life", asez éloignée de la subtilité originale, comme s'il s'agissait de retranscrire les envolées lyriques de Jonathan sur une plus grande page, avec tous les moyens live disponibles : la frappe de Thor - le bien nommé - derrière la batterie frôle l'apocalyptique, et les deux guitares ou les deux claviers (selon les morceaux) dépotent un maximum. Au troisième morceau, le grandiose Castaways, Johnathan est déjà à genoux devant son ampli et fait sortir de sa guitare maints feedbacks spectaculaires. Et le paradoxe ultime est que, joués ainsi, les morceaux ne perdent rien de leur asphyxiante beauté.
Au milieu de ce bonheur, je remarque quand même que je suis l'un des seuls à avoir l'air de s'éclater dans la salle, le public madrilène restant très visiblement sur ses gardes : ce ne seront que les quelques extraits de "Rook", l'album précédent, qui déclencheront - enfin - des mouvements plus passionnés. Sur scène, le groupe finit par me remarquer aussi (le type à la cinquantaine au premier rang qui délire, tout seul...), et j'ai droit à de nombreux sourires et signes de connivence. Une chose toujours marrante avec ce genre de groupes actuels, c'est le ballet incessant des instruments que les musiciens s'échangent : ça fait du spectacle, surtout sur une petite scène où il faut quand même un peu se bousculer au milieu du fatras d'instruments et d'amplis, et ça confère une ambiance sympathique de "bande de copains" qui s'éclatent ensemble, contrebalançant sainement la complexité de la musique de Shearwater.
Alors, et les grands moments de la soirée ? Eh bien, une version sublime de Hidden Lakes ("Lagos Escondidos", nous annonce Jonathan qui, en bon Texan, a des rudiments d'Espagnol...) avec les deux xylophones qui composent une architecture enchantée : enchanté, je le suis tellement que je dois avoir l'air transporté, et Thor vient me serrer la main en quittant son xylophone pour rejoindre sa batterie. Et puis Rooks, l'une des chansons les plus glorieusement "héroïque"de Shearwater, avec son lyrisme à la Arcade Fire, trois minutes sublimes qui passent trop vite. Et puis encore, Century Eyes, l'un des rares "crowd pleasers" purement rock de Shearwater, avec les deux guitares qui tonnent et gémissent, et Thor qui frappe encore plus dur. A noter aussi un hommage ému de la part de Jonathan au vautour qui a plané au dessus d'eux et des montagnes enneigées entre Barcelone et Madrid, et qui lui permet de rester fidèle à sa célèbre passion pour les oiseaux.
Rappel magnifique, malgré quelques problèmes techniques de connexion qui craque, et la voix qui sature régulièrement (la sono du Moby Dick n'a sans doute pas l'habitude d'une voix aussi sublime - en haute contre ou pas - que celle de Jonathan !). Final superbe avec Home Life, peut-être le plus beau morceau de Shearwater, magnifiquement interprété par Jonathan qui transcende encore la chanson de sa voix sublissime. On finit les larmes aux yeux, éblouis devant tant de beauté. Alors que les musiciens quittent la scène après 1 h 15 presque parfaite, je fais signe à Kimberley, et lui demande sa set list, minuscule morceau de papier qu'elle tenait cachée au sommet de son ampli : elle me la remet, et, tandis que je la remercie pour sa gentillesse, elle me remercie pour ma passion pour leur musique.
La salle du Moby Dick se vide lentement, je discute un peu avec des touristes belges, eux aussi fans de Shearwater, et qui sont là par hasard et sont eux aussi ravis (lui travaille dans un studio d'enregistrement). Il va falloir se replonger dans le froid, mais peut importe, ce soir, nous avons littéralement volé avec les vautours au dessus des montagnes enneigées de la Sierra. L'un des nombreux miracles de Shearwater... »
A 21 h 25, c'est déjà un drôle d'oiseau qui monte sur scène : David Thomas Broughton, qui se lance dans une longue mélopée de 30 minutes, mêlant boucles souvent cacophoniques, arpèges délicats de guitare acoustique, chant superbe et décalé, et intrusion déconcertante de tics et de tocs, d'incidents incongrus et de gestes maniaques : un peu effrayant par instant, quand il se perd dans une succession de manipulations doucement névrotiques d'objects divers (son écharpe, ses instruments, son fil de micro, ses lunettes, etc. etc.). On est parfois proche de l'installation d'art concret, entre musique destructurée, boucles déstabilisantes faites de quintes de toux, d'objets heurtés, et chorégraphies d'autiste, mais on ne s'ennuie pas une seconde. Il est rejoint par deux musiciens de Shearwater pour faire un peu plus de bruit (a priori, Kevin Schneider à la guitare, tournant le dos au public, et Thor Harris avec un instrument à vent dont ma méconnaissance des instruments "classiques" ne me permettra pas de vous dire de quoi il s'agit...). Puis, alors qu'il va quitter la scène après un final tonitruant, Jordan Geiger (de Shearwater aussi, bien sûr...) s'installe aux claviers pour l'accompagner d'une voix - stupéfiante - d'ange sur une vraie chanson, qui a évoqué au fond de moi certains moments magiques de Sparklehorse (grand groupe disparu, encore un...), sans que je sache pourquoi. En tous cas, voici 35 minutes originales, entre malaise sourd et beauté sereine.
22 h 10: Shearwater, Jonathan Meiburg et ses quatre musiciens, dont Thor le batteur nain et poilu qui fait peur (mais est super sympa, vous savez !) et Kimberley Burke, la ravissante bassiste / contrebassiste qui ne sait que sourire avec l'air d'être aux anges, sont sur scène. Ça commence très fort avec Black Eyes, l'un des morceaux les plus évidents (on ne dira pas "commercial", ce serait exagéré...) de "The Golden Archipelago", le nouvel album qui sera au centre du set de ce soir. Tout de suite, il saute aux yeux et aux oreilles que, à la différence de nombre de groupes actuels, Shearwater sait parfaitement la différence entre une interprétation "live" et une version "album" : chaque morceau joué ce soir sera comme "boosté" par une interprétation "bigger than life", asez éloignée de la subtilité originale, comme s'il s'agissait de retranscrire les envolées lyriques de Jonathan sur une plus grande page, avec tous les moyens live disponibles : la frappe de Thor - le bien nommé - derrière la batterie frôle l'apocalyptique, et les deux guitares ou les deux claviers (selon les morceaux) dépotent un maximum. Au troisième morceau, le grandiose Castaways, Johnathan est déjà à genoux devant son ampli et fait sortir de sa guitare maints feedbacks spectaculaires. Et le paradoxe ultime est que, joués ainsi, les morceaux ne perdent rien de leur asphyxiante beauté.
Au milieu de ce bonheur, je remarque quand même que je suis l'un des seuls à avoir l'air de s'éclater dans la salle, le public madrilène restant très visiblement sur ses gardes : ce ne seront que les quelques extraits de "Rook", l'album précédent, qui déclencheront - enfin - des mouvements plus passionnés. Sur scène, le groupe finit par me remarquer aussi (le type à la cinquantaine au premier rang qui délire, tout seul...), et j'ai droit à de nombreux sourires et signes de connivence. Une chose toujours marrante avec ce genre de groupes actuels, c'est le ballet incessant des instruments que les musiciens s'échangent : ça fait du spectacle, surtout sur une petite scène où il faut quand même un peu se bousculer au milieu du fatras d'instruments et d'amplis, et ça confère une ambiance sympathique de "bande de copains" qui s'éclatent ensemble, contrebalançant sainement la complexité de la musique de Shearwater.
Rappel magnifique, malgré quelques problèmes techniques de connexion qui craque, et la voix qui sature régulièrement (la sono du Moby Dick n'a sans doute pas l'habitude d'une voix aussi sublime - en haute contre ou pas - que celle de Jonathan !). Final superbe avec Home Life, peut-être le plus beau morceau de Shearwater, magnifiquement interprété par Jonathan qui transcende encore la chanson de sa voix sublissime. On finit les larmes aux yeux, éblouis devant tant de beauté. Alors que les musiciens quittent la scène après 1 h 15 presque parfaite, je fais signe à Kimberley, et lui demande sa set list, minuscule morceau de papier qu'elle tenait cachée au sommet de son ampli : elle me la remet, et, tandis que je la remercie pour sa gentillesse, elle me remercie pour ma passion pour leur musique.
La salle du Moby Dick se vide lentement, je discute un peu avec des touristes belges, eux aussi fans de Shearwater, et qui sont là par hasard et sont eux aussi ravis (lui travaille dans un studio d'enregistrement). Il va falloir se replonger dans le froid, mais peut importe, ce soir, nous avons littéralement volé avec les vautours au dessus des montagnes enneigées de la Sierra. L'un des nombreux miracles de Shearwater... »
Shearwater est un groupe d´indie rock formé au Texas en 2001. Le groupe se forme suite à la collaboration entre Jonathan Meiburg et Will Sheff, deux membres du groupe Okkervil River. Le nom de shearwater, en anglais, signifie en français puffin, un oiseau marin. Il aurait été choisi par Meiburg, diplômé en ornithologie.
(http://www.myspace.com/shearwater)
◦ The Dissolving Room - 2001
◦ Everybody Makes Mistakes - 2002
◦ Winged Life - 2004
◦ Palo Santo - 2006
◦ Rook - 2008
◦ The Golden Archipelago - 2010
◦ Everybody Makes Mistakes - 2002
◦ Winged Life - 2004
◦ Palo Santo - 2006
◦ Rook - 2008
◦ The Golden Archipelago - 2010
Jonathan Meiburg (vocals, guitar)
Kim Burke (bass)
Jordan Geiger (trumpet)
Kevin Schneider (keyboards)
Thor Harris (drums)
Jordan Geiger (trumpet)
Kevin Schneider (keyboards)
Thor Harris (drums)
1 - Black Eyes (The Golden Archipelago - 2010)
2- Landscape At Speed (The Golden Archipelago - 2010)
3- Castaways (The Golden Archipelago - 2010)
4 - Meridian (The Golden Archipelago - 2010)
5 - White Waves (Palo Santo - 2006)
6 - God Made Me (The Golden Archipelago - 2010)
7 - Corridors (The Golden Archipelago - 2010)
8 - Hiden Lakes (The Golden Archipelago - 2010
9 - An Insular Life (The Golden Archipelago - 2010)
10- Rooks (Rook - 2008)
11- Century Eyes (Rook - 2008)
12 - I Was A Cloud Rook - 2008)
13 - Seventy-Four, Seventy Five
(Palo Santo - 2006)
14 - Uniforms (The Golden Archipelago - 2010)
Rappel
15 - ?
16 - ?
17 - Home Life (Rook - 2008)