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mardi 10 novembre 2009

RAMMSTEIN ~ El Palacio de Deportes. Madrid. Espagne.












Première Partie : COMBICHRIST





Ce qu’en a pensé Eric :


« "Ouaaah ! Toi, tu vas voir Rammstein ?" : l'étonnement est à son comble chez mes amis. Sans parler du fait que j'ai même pris la peine de réorganiser des rendez-vous importants au boulot pour pouvoir arriver à peu près à l'heure au Palacio de Deportes ce mardi ! C'est oublier que, comme beaucoup de gens, j'ai découvert le nom de Rammstein grâce à David Lynch (vous n'avez pas oublié cette scène où Sailor et Lula déliraient sur la musique du groupe...?), et que j'ai toujours eu un goût - un peu bridé - et pour la musique industrielle, et pour les spectacles provocateurs. Même si "Liebe ist für alle da", le dernier et plutôt bon album de Rammstein lorgne un peu trop à mon avis vers le métal grand public, une vidéo sulfureuse sur le Net a attisé mon envie de participer à ce que j'imagine facilement comme une énorme orgie sonore !

Arrivant un peu tard devant le Palacio de Deportes autour duquel s'enroulent des queues impressionnantes - avec policiers autour, voici qui me rappelle des souvenirs, et pas des bons -, je me résigne une fois entré à aller m'asseoir dans les gradins supérieurs, seul endroit où il reste quelques places... mais qui offrent l'avantage d'une vue surplombante impressionnante sur l'enceinte toute entière, et d'où le son est d'ores et déjà décoiffant, alors que nous n'en sommes qu'au milieu du set de la première partie... également du metal industriel hurlé et paroxysmique qui remue bien les tripes... mais n'éveille pas grand chose d'autre, ni au niveau du cerveau ni du coeur. Peu d'applaudissements du public indifférent. "We were sent to destroy" clame le chanteur alors que des synthés méchants dévallent la piste, et que deux de ses acolytes martèlent les fûts comme des damnés. Ouais, bon, ok ! De loin, ces petits plaisantins de Combichrist m'apparaissent vêtus de tenues de cuir, genre gladiateurs sado-maso... Chaque morceau est construit sur le même principe : une musique techno destroy pas déplaisante, mais sans aucune originalité, sur laquelle sont clamés ad libidum des phrases définitives du genre : "This shit will fuck you up !". Suivant son humeur, on pourra trouver ça divertissant, drôle ou fatiguant.

Le Palacio de Deportes est blindé, même dans la fosse, vu de dessus, on sent les spectateurs bien entassés. Le public n'est globalement pas très "extrême", et pas particulièrement "metal" dans son look... plutôt des cheveux courts, plutôt des gens de tous les âges, mais un niveau sensible d'enthousiasme, comme quoi, Rammstein ratisse large.



22 h 00 pile, précision germanique oblige... Difficile de ne pas sentir l'excitation vous envahir lorsque dans le noir, le rideau qui recouvre la scène commence à être déchiré de part et d'autre à coup de pics pour laisser le passage aux deux premiers musiciens (bassiste à gauche, guitariste à droite)  de Rammstein. Puis, une minute plus tard, c'est un chalumeau qui attaque par derrière la lourde plaque métallique au centre, pour y découper un large orifice oval par lequel entre en scène Tim Lindemann, le chanteur au physique massif et impressionnant (il faut sans doute cette carrure d'hercule des foires pour produire une telle voix caverneuse) : la plaque ainsi spectaculairement découpée s'effondre dans un grand vacarme, les lumières explosent, le rideau finit de s'ouvrir pour dévoiler les 3 autres musiciens à l'arrière plan (une batterie entourée d'une guitare et d'un clavier), et c'est par Rammlied, comme sur le dernier album, que s'ouvre le concert. Malgré le côté spectaculaire de cette intro emphatique, je ne trouve pas que le public ait basculé dans l'hystérie à laquelle je m'attendais : la faute au son, qui, comme la dernière (et première) fois où j'étais dans cette salle, est sourd, et pas tout-à-fait assez fort (moins efficace que pour la première partie, un comble !). Ce problème de son va être peu à peu corrigé au fil de la soirée, mais sans atteindre la perfection, et sans que l'on puisse jamais arriver à l'extase qu'appelle cette musique jusqu'au boutiste, tout au moins là où je me tiens, debout dans les gradins (car tout le monde s'est levé au premier accord, et nous passerons - heureusement - les 100 minutes qui suivront à danser et osciller, sauvés de l'apathie que j'ai vu si souvent régner sur les gradins de telles grandes salles).

Sur scène, le décor - on dirait une vieille usine désaffectée du bloc soviétique, jusqu'aux lumières, déguisées en matériel industriel - comme la mise en scène - centrée principalement sur des flammes et des déflagrations sourdes - sont parfaitement en phase avec l'imagerie "indus" - et la réputation - de Rammstein. Jusqu'aux musiciens qui, depuis mon perchoir, me paraissent vêtus de salopettes d'ouvriers, mais noires et en cuir (?), comme revisitées par l'imaginaire d'un tenancier de club hardcore gay. Ce que j'apprécie, c'est que ce décorum mi-rétro, mi sci-fi ne laisse aucune place à la moindre confusion : si la musique de Rammstein est parfois martiale, si les textes en allemand ont évidemment des résonnances douloureuses, il ne plane sur le groupe aucune ambiguité déplaisante, aucune fascination pour une quelconque imagerie nazie ou même militariste.

Oui, à partir de cette intro lourde, le "spectacle Rammstein" va se déployer, évoquant un monde profondément tellurique, sorte de condensé des forges de Vulcain au sein desquelles de virils opérateurs manipulent matières en fusion, carburants hautement inflammables, et explosifs divers. Chaque chanson, baignée dans une atmosphère lumineuse réussie, est normalement l'occasion d'une mise en scène particulière, presque purement pyrotechnique : longues flammes régulièrement crachées par des dispositifs divers sur, au dessus  et autour de la scène, voire même permettant aux musiciens de devenir d'hallucinants cracheurs de feu ; feux d'artifice divers, le plus impressionnant s'avérant un "échange de tirs" entre la scène et la console au centre de la salle. Quelques saynètes "amusantes" égayent même deux ou trois morceaux : joli tour de prestigitation quand l'un des musiciens (le trublion de la bande, entièrement vêtu d'une combinaison pailletée, qui vient régulièrement se moquer du sérieux général du groupe) est roué de coups par le chanteur, tassé au fond d'un wagonnet avant de recevoir sur lui une coulée d'acier fondu... Et de ressortir indemme ! Autre "bon moment", quand Tim arrose d'essence l'un de ses acolytes à l'aide d'une pompe amenée sur scène à cet effet, avant de le transformer en torche humaine que deux pompiers viennent éteindre... Quelques rares métaphores "liquides", par contre, quand Tim à cheval sur un canon rose - phallus géant - innondera la foule de ce qui ressemble à de la mousse, ou, à la fin, quand dans le seul moment de franche poésie du show, l'organiste-trublion partira naviguer sur la foule de bras tendus sur un dinghy : c'est simple, drôle et beau, il fallait y penser... Il faut noter que, en comparaison avec toute cette scénographie impressionnante, le jeu de scène des musiciens reste assez classique et répétitif - la position un genou à terre du chanteur qui "headbangue" -, l'énergie naissant plus du spectacle offert que de la dynamique du groupe lui-même.

Je n'ai pas encore parlé de musique, et c'est là que le bât blesse, car j'ai eu le sentiment que la musique, ce soir, a été en deça des attentes de tous : oh, le Palacio tout entier a levé les bras en rythme sur les hymnes de Rammstein, les têtes se sont rituellement agitées, il y a même eu quelques ilots d'agitation au sein de la mer humaine dans la fosse, mais je n'ai jamais ressenti ce basculement extatique qui caractérise un grand concert, cet instant d'exceptionnelle osmose entre un groupe et son public qui marque les souvenirs. Non, tout le monde a pris du bon temps, a chanté les paroles en choeur (je n'imaginais pas qu'il y eut tant de Madrilènes qui connaissent toutes les paroles de toutes les chansons de Rammstein !), a sauté sur place lors des quelques accélération de tempo bien venues, mais on est quand même restés "au spectacle, ce soir"... Pourtant, la musique de Rammstein est irréprochable, bien supérieure à ce que l'on imagine a priori, trouvant un bel équilibre entre évidence mélodique et martèlements indus, pas si répétitive que cela (pas assez peut-être pour que la "transe" puisse être atteinte ?), épisodiquement très belle, même. Rammstein a joué un bel assortiment de leur dernier album - j'ai quant à moi bien aimé l'irrésistible Ich tu' dir weh, et même la pause romantico-piafienne de Frühling in Paris -, complété parce que j'imagine être une sélection de ses vieux hits - mais je ne suis pas assez familier de sa discographie pour les commenter -, et la soirée s'est terminée au bout d' 1h 40 et de deux rappels, par deux morceaux plus "synthés", voire moins extrémistes qui laissaient enfin s'envoler l'imagination, une fois le show pyrotechnique terminé.

Je suis ressorti de là avec un léger sentiment de déception - j'aurais aimé ressentir la folie furieuse des premiers concerts de Nine Inch Nails, qui restent ma référencer en matière de musique indus... Et nous n'avons pas non plus assisté à un spectacle de pure provocation comme le fameux clip "uncensored" de Bück Dich  sur YouTube le laissait attendre  -, mais aussi avec l'intense satisfaction d'avoir (enfin) rencontré un groupe singulier que j'avais bêtement ignoré. Je me suis dit que je retournerais certainement voir Rammstein, mais dans la fosse cette fois, pour pouvoir goûter de plus près à l'odeur du métal en fusion. »






photos de eric




(http://www.myspace.com/combichrist)
 



Rammstein est un groupe de métal industriel, mais aussi d'autres styles comme l'electro et le hard-rock, allemand formé en 1994. Sa musique est principalement un mélange de hard rock et de sons électroniques. Ils se sont spécialisés dans les shows pyrotechniques lors de leurs concerts (arc qui tire des étincelles, baguettes explosives, guitares lance-flammes, micros enflammés, etc.). Rammstein est très controversé à cause de leurs textes noirs et violents. Ses membres ont souvent été accusés à tort d'être des sympathisants nazis. Leurs textes parfois engagés démontrent une forte mobilisation pour des causes diverses telles que le devoir de mémoire, ou simplement des critiques de la société américaine. Le nom du groupe provient de la ville palatine de Ramstein (près de Kaiserslautern), en référence à un crash survenu lors d'un meeting aérien sur la base aérienne américaine de Ramstein en 1988, dans lequel soixante-dix personnes trouvent la mort. Les membres du groupe écrivent une chanson sur le thème et l'intitulent "Rammstein". C’est en 1997, avec leur second album, Sehnsucht, que Rammstein connaît le succès en Allemagne puis dans le reste de l'Europe et se distingue pour l'importance des effets pyrotechniques durant leurs concerts. Le groupe de rock alternatif KoЯn les appelle pour qu'ils effectuent la première partie de leur tournée, le KoЯn Campaign. Il est aujourd'hui le groupe allemand qui a vendu dans le monde le plus de disques en langue allemande.

(http://www.myspace.com/rammstein)









* 1995 : Herzeleid
* 1997 : Sehnsucht
1998 : Herzeleid (Ed. USA)
* 1999 : Live Aus Berlin
* 2001 : Mutter
* 2004 : Reise, Reise
* 2005 : Rosenrot
* 2009 :
Liebe Ist Für Alle Da








Till Lindemann (Vocals)

Richard Zven , Kruspe (Guitar)
Paul H. Landers (Guitar)
Oliver "Ollie" Riedel (Bass)
Christoph "Doom" Schneider (Drums)
Christian "Flake" Lorenz (Keyboards)











  
 

1.    Rammlied (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    2.    B******** (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    3.    Waidmanns Heil (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    4.    Keine Lust (Reise, Reise - 2004)
    5.    Weisses Fleisch (Herzeleid - 1995)
    6.    Feuer frei! (Mutter - 2001)
    7.    Wiener Blut (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    8.    Frühling in Paris (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    9.    Ich tu dir weh (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    10.    Liebe ist für alle da (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    11.    Benzin (Roserot - 2005)
    12.    Links 2-3-4 (Mutter - 2001)
    13.    Du hast (Sehnsucht - 1997)
14.    Pussy (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)

Encore 1

    15.    Sonne (Mutter - 2001)
    16.    Haifisch (Liebe Ist Für Alle Da - 2009)
    17.    Ich will (Mutter - 2001)

Encore 2

    18.    Seemann (Herzeleid - 1995)
    19.    Engel (Sehnsucht - 1997)



La durée du concert : 1h40






AFFICHE / PROMO / FLYER
















































MASSIVE ATTACK ~ Le Zénith. Paris.











Première Partie: MARTINA TOBLEY BIRD





Ce qu’en a pensé Vik :

« Massive “Fucking” Attack : DAY 1 ! Il vaut mieux que tout soit clair immédiatement : Massive Attack, ce n’est pas un groupe de hard rock, comme on pourrait le croire, si l’on n’a jamais écouté... Mais l’importance de ce groupe anglais dans le panorama musical est immense, et, alors qu’il arrive à un niveau de cohésion sonore inédit, il est devenu incontournable. Massive Attack fait de l’electro minimale tout en créant les images les plus sombres de l'âme, sous les auspices de la soul, du rap et du reggae.  Du groupe originel, un trio, restent Robert Del Naja "3D" (aujourd'hui le chef) et Marshall Grant "Daddy G",  deux artistes qui ont transformé le son d’un grand nombre de groupes de rock, et qui sont accompagnés par un solide groupe de musiciens et par des invités d’exception. Inutile de citer leurs noms, nous ne parlons ici que de Massive Attack, de leur art, de leur façon caractéristique, si lente, d’insister sur un pincement des notes, de leur suffocant mélange de chants et de paroles, et de leur instinct profond pour un dub psychédélique. Massive Attack et Trip Hop sont maintenant deux mots-clé de l'histoire de la musique et ils sont indissociables.

Manquer ces deux concerts dans un Zénith complet serait tout simplement un crime.  Pas de promo énorme pour cette tournée, car leur cinquième album, « Heligoland », ne devrait sortir que le 8 février 2010 (après sept ans d’attente), avec un artwork signé 3D. Il n’y a qu’un petit EP, « Splitting the Atom », qui a été mis sous format digital en téléchargement sur le net (je l’ai écouté et je suis rassuré quant à son contenu), mais rien n’empêche d’écouter ou de réécouter en plus leurs trois chefs-d’oeuvre essentiels : « Blue Lines » (1991), « Protection » (1994) et « Mezzanine » (1998). J’ai aussi pris le temps de voir ce qu’ils proposaient sur cette tournée, et j’ai découvert avec plaisir qu’il aurait sept nouvelles chansons, qu’ils vont tester en live, mais que nous n’aurions pas droit à la présence de Damon Albarn, en invité, comme on pouvait l’espérer. Le climat de la soirée est parfait : un temps très gris, une atmosphère dark, idéale pour un concert de Massive Attack, l’un des derniers groupes encore capables d’inventer un son puissant, sombre et électronique tout en restant chaud et humain. Quelques mots encore : mon premier concert de Massive Attack, c’était le 28 Novembre 1992 au MC93 de Bobigny (avec Neney Cherry en ouverture) alors que « Blue Lines » venait de sortir, et le dernier, c’était à l’Olympia de Paris, le 28 Aout 2006. Voilà, c’est dit… on peut poursuivre !

19h45 :… sous un éclairage réduit, une jolie jeune femme blonde, en robe rose de princesse, se présente sur la scène pour la première partie… Elle reste un peu distante vis-à-vis du public. Son nom est inscrit sur un panneau au fond du plateau : Martina Topley Bird. Formation minimaliste : elle n’est accompagnée que par un étrange musicien, un ninja en capuche qui ne montrera pas son visage, mais qui démontrera sa polyvalence à la batterie, aux percussions, à la guitare, et à divers autres instruments… et qui apportera une touche très personnelle au set. Martina, belle comme un soleil, est l’ex-compagne et égérie d’un certain Adrian “Tricky”, mais elle est aussi l’actuelle invitée du show de Massive Attack qui va suivre. Elle a une voix de velours, comme trempée dans du miel chaud, qui souligne avec finesse les mélodies. Aidée de son synthé, de sa loop-station pour sampler sa voix, d’un bâton de pluie et d’une guitare, avec un style inimitable et captivant, très proche de la scène trip-hop britannique, elle s’est lancée dans des rythmes africanisants, incroyablement naturels, entrelacés de façon transparente, avec une inspiration presque tribale. Je ne conteste pas le talent de Martina et sa superbe voix soul sur ces ballades electro tranquilles, ou sur le final  rock de Too Tough To Die, mais c’est une artiste à découvrir en petite salle, en toute humilité. Un set de 30 minutes, un album à défendre – « The Blue Gold », dont elle fera la promo en français pendant le concert, (ce n’est pas seulement la musique de la pub pour le parfum Flower by Kenzo !), au final une chanteuse qui charme facilement les yeux, et qui obtiendra ce soir des applaudissements discrets.

L'entracte musical passe tout en légèreté pendant que j’observe la phase finale de la préparation de la scène, avec une multitude de techniciens, rapides, méticuleux, de véritables fourmis, aux prises avec les câbles, le matériel divers et tous les outils du groupe.


21h14 :... Les lumières s’éteignent brusquement, sans bruit. On est dans le noir,... un rugissement monte de la fosse et des gradins. Il est assez difficile de décrire ce que je vois en face de moi : deux batteries, une blanche et l’autre noire transparente, aux deux extrémités, au centre un tas des machines, un ordinateur, des keyboards, à gauche une basse, à droite une guitare. Malgré la disposition particulière des instruments, les deux batteries (dont une électronique) effacent tous les concepts traditionnels d’une “scène” finalement relativement simple, sans structure particulière, si ce n’est... la beauté des cinq microphones qui trônent sur l'imposant plateau. Des lumières à la fois simples et un mur de vidéo destiné à l’expérience visuelle, avec des textes et des dénonciations en masse (adaptés cette fois au public français : Mur de Berlin, Obama, Eddie Mitchell et sa dernière séance, Nelson Mandela, Malcolm X, fichiers de la police,... il y a même une référence à Sarkozy : roi du pipeau ?), des chiffres, des images, des citations, des phrases de politiciens, des scandales, des noms de la Littérature, des dollars et des euros  qui s'agitent au fond de la scène, dans une ambiance qui rappelle le « Blade Runner » de Ridley Scott. Massive Attack est aujourd’hui un vrai collectif, bien plus qu'ils ne l'ont jamais été... les cinq musiciens entrent pour saisir leurs instruments un par un, et construire peu à peu l'atmosphère du morceau d’ouverture, Bulletproof Love, en guise d’introduction instrumentale. Des éclats de lumière rouge brillent, et la séquence donne immédiatement le ton : une lourdeur étouffante, avec la frappe de la batterie électronique tenue par le fidèle Andrew Smal, et les épaisses nappes qui sortent des claviers de John Baggott (ex Portishead)... c’est grand… comme on l’attendait. Le public se laisse emporter dans cette vague dans un silence de communion, mais beaucoup cherchent à fixer ce moment avec leurs téléphones portables. 3D et Daddy G, soit le duo qui constitue désormais la « marque » Massive Attack, entrent enfin, flânant à travers les ténèbres, jusqu’à la scène illuminée par des faisceaux lumineux de couleurs sombres, et nous saluent... tout en enclenchant, dans un superbe exercice de style, un autre nouveau morceau, Hartcliffe Star : et là, on retrouve le vrai son qu’on aime, avec sa partition de basse surpuissante, tenue ce soir par Winston Blissett. Au cours de la soirée, on verra trois autres « voix » : le légendaire Horace Andy (le seul des invités à figurer sur tous les albums), Martina Topley Bird, et la vocaliste soul Deborah Miller.


« OK. Thank you, good evening »… et on passe à la troisième chanson, Babel, avec Martina Topley-Bird et sa voix de velours et de miel, une chanson caractérisée par une basse métallique omniprésente. Avec 16 Seeter (une nouvelle version d’une chanson appelée Girl I love you datant de 1974, sortie de la malle d’Horace Andy, qui figurera probablement sur le prochain album), le grand Horace entre pour la première fois sur scène (la standing ovation habituelle est de rigueur), et sa voix accompagne l'augmentation du nombre en LED à l’horizontale sur le Video Wall (créé par la United Visual Artists, et ressemblant probablement à celui de la configuration du tour 2003/4) qui apparaît derrière les musiciens... De longues barres colorées, des chiffres tourbillonnant comme en une attaque obsessionnelle, un design multi-couches agissant en contrepoint à la musique, une alternance de clins d'œil graphiques cyberpunks et de stratégies de communication réelle portant des messages d’actualité... Le son est fort et sombre, malgré la voix aiguë du chanteur jamaïcain, mais le chant est parfaitement en ligne avec la transe électronique et surréelle du “Massive-sound”. Ce morceau est particulièrement rassurant quant à la capacité du collectif, et s’avère très convaincant en attendant joyeusement le nouvel album.


Ceux qui s'attendaient à un concert pacifique savent déjà qu’ils avaient tort ! Une vague rythmique de dub, une voix acide stupéfiante (celle de 3 D), puis une seconde (celle de Daddy G qui murmure comme un aliéné), rendent le paysage sonore de plus en plus sombre et claustrophobe, soutenues par un riff de basse qui réveille les souvenirs des anciens concerts. On a commencé par de nouvelles chansons, quatre en fait : l'effet est un peu "troublant” pour le public, mais on ne peut nier que tout s’assemble comme une grande œuvre. Une atmosphère dark, poignante avec des sons trip-hop qui sont presque entièrement électroniques. L'alternance des effets de lumière sur le mur de vidéo est ahurissante : des milliards de pixels qui se forment sur des simples statistiques ou bien créent des réalités virtuelles inquiétantes. Tout change dans un court espace de temps, pendant que les voix présentent les nouvelles chansons, souvent sous une lumière violette, une couleur difficile. Le son est parfait, et rend justice à la technique du groupe. Instruments et électronique se compensent mutuellement, et se chevauchent avec une grande classe, sans excès, chaque détail étant à sa place. La guitare a en particulier un rôle de premier plan, et contribue, par son tranchant, à des arrangements très rock : ça fait du bien, surtout avec le soutien des rythmes percutants du batteur acoustique Damon Reece (ex Echo and the Bunnymen et ex Spiritualized). Le spectacle « son et lumières » est une vraie folie, un crescendo de trouvailles exaltantes et passionnantes, chanson après chanson, et crée avec la musique une atmosphère hypnotique, sombre et sensuelle.


C’est au 5ème morceau que le public commence à s'enflammer : Risingson, de l’album « Mezzanine » datant de 1998 (l’un des meilleurs albums des années 90, avec le « OK Computer » de Radiohead et quelques autres pépites) est accueilli par des applaudissements, et voit le phrasé rap de 3D et Daddy G dans un conteste plus soft, sur une ligne de basse sculpturale… Ce morceau ouvre le rideau sur le répertoire classique du groupe… mais juste pour un court moment, car voici encore une nouvelle chanson, Red Light, chantée par la belle Martina (dans une charmante robe rouge), accompagnée par un rythme d’abord plus cool, qui note après note devient plus rapide et martelé. Cette chanson  semble être destinée à devenir un futur Teardrop, et a été jouée dans une “variante japonaise” qui en a augmenté sa beauté. On poursuit avec Future Proof, tiré de « 100th Window » (2003) et piloté seulement par 3D. La chanson commence par des bruits électroniques, puis s’élève un arpège de « vraie » guitare et le chant de 3D, sans aucun soupçon de rap, sa voix glaciale fusionnant avec la musique en un minimum de structures qui sont répétées sans fin. Parfois, la basse est jouée de manière presque « ambient », ses cordes seulement caressées… Un pur cauchemar spectral. Où l’on reconnaît le son Massive Attack simplement par la programmation des boîtes à rythmes.


Teardrop arrive : c’est la chanson qui reste la plus grande œuvre de Massive, et elle sera jouée ce soir dans une version alternative (mais qui sera reconnue par le public seulement après quelques notes), avec la voix de Martina (sa prestation est néanmoins inférieure à celle de sa prédécesseur Elizabeth Fraser). On peut parler d'une réelle trouée de lumière dans l'obscurité : par-dessus une rythmique minimale, presque un battement de cœur, et un arpège de guitare céleste, s’élève la voix angélique de Martine, accompagnée de sonorités dub, et dans une atmosphère sombre qui atteint la perfection. Ça a un impact émotionnel à la fois subtil et puissant, avec ces faisceaux de lumière blanche lancés dans la salle. Martine est vêtue d'une sorte de kimono fleuri, dans lequel elle chantera aussi le morceau suivant : Psyche, une chanson rêveuse et légère comme une plume, extraite du dernier EP. Sinueuse, avec son contraste entre un fond rythmique très fort et une voix douce et chaude, Mezzanine ouvre enfin la route aux inestimables classiques : une incroyable version de Angel, « You are my angel, Come from way above, To bring me love...», un morceau magnifique d’une redoutable efficacité, qui avance sur une inexorable progression de la basse dub, puissante et sombre, sur un rythme percutant de batterie, qui grandit lentement jusqu’à la déflagration de la guitare de rock dur d’Angelo Bruschini (ex The Blue Aeroplanes)... Le public jubile, entraîné par le Jamaïcain Andy, le visage souriant, qui est debout sur le devant de la scène mais se déplace en douceur d'un côté à l’autre au rythme de la musique, avec cette voix inimitable et hypnotique, jusqu'à la fin... La guitare est alors à plein volume, et la foule littéralement en délire. Et ça continue avec le légendaire Safe From Harm, extrait du premier album « Blue Lines », datant quand même de 1991, mais déjà un chef d'œuvre, chanté par la voix soul de Deborah Miller, qui séduit dès les premières notes « Midnight ronkers, City slickers, Gunmen and maniacs... ». La première partie du concert se termine par une version puissante de Inertia Creeps, l’un des plus beaux morceaux de l’album « Mezzanine », avec le public du Zénith ébloui, qui saute et qui crie. C'est toute la carrière du groupe de Bristol qui se rematérialise devant nous et pénètre en force. C’est un grand moment, comme le souligne 3D « Thanks. We've been treading these boards a long, long time ».

Le premier rappel s’ouvre sur le 15ème morceau et l’electro/hip-hop de Splitting The Atom, extrait du EP homonyme, avec la voix sombre de Daddy G, et celle envoûtante et douce de Martina, sur des pulsions dub et reggae, avec des rythmes hypnotiques noyés par les claviers. Un retour aux racines, un son familier mais inquiétant, des amalgames de rythmes qui rassurent, mais en même temps impressionnent. Suit Unfinished Sympathy, un autre extrait de l’album « Blue Lines », toujours chanté par la belle Deborah : il est impossible de rester insensible à son écoute. Marakesh, un autre splendide inédit, sera une véritable apothéose de psychédélisme paranoïaque, avec son riff épique très années 70 qui s'imprime dans votre tête sans vouloir en ressortir. Excitant, pendant dix longues minutes. Un salut, et le groupe s’en va dans le noir de la scène, regagnant les loges pour quelques minutes.

Le deuxième rappel éclate, pour clôturer ce set en grand style, avec une version extra longue de la ténébreuse KarmacomaYou sure you want to be with me, I’ve nothing to give...»), c’est le 19ème morceau de la setlist, et le classique immanquable de l’album Protection (1994),  un dub hallucinant entraîné par une rythmique lourde, sur lequel se greffe un texte morbide de Tricky, avec un splendide duo de 3D et Daddy G. C’est la fin - sous l’ovation de la fosse et des gradins - de cette soirée hors normes : grandiose, largement à la hauteur de nos attentes ! Un au revoir et c'est fini.

Oui, rien à dire : un concert qui a illuminé la soirée, tant par la musique que par les graphismes. Une remarque quand même : celui qui était venu pour sauter, crier ou se déchirer dans un pogo frénétique... sans doute s’était-il trompé de concert, car les spectateurs étaient très calmes ce soit. Ceci dit, ça a été un concert qui a fait frissonner son public, un public qui, secoué par les rythmes puissants, ébloui par la perfection du show, a été bercé pendant 1h45 par des mélodies imparables. Beaucoup de nouveaux morceaux, un peu au détriment des classiques : c’était un choix, un défi, un cadeau en avant première et en live, comme pour montrer l’évolution du groupe. Une confirmation en fait que Massive Attack, qui a émergé du long silence de ces dernières années, s'est resserré, s’est retrouvé, et montre qu'il est encore bien vivant, et, plus important encore, qu’il a toujours avec quelque chose à dire, qu’il est toujours grand et en grande forme. À ce stade, l'arrivée du nouveau disque devient urgente, pour nous offrir des émotions nouvelles et de nouveaux concerts. De toute façon, mon premier choix est fait : je reviens demain, c’est obligatoire, pour le Day Two... et une deuxième dose d'adrénaline. Ce soir, en rentrant, je vais réécouter « Mezzanine » (après avoir pressé la touche « repeat »), en douceur du début à la fin, dans la pénombre avant de glisser dans le sommeil… même si quelque cauchemar n’est pas à exclure.

... I found to do something
I found to do something
Dream on
Dream on.
..»









photos de hana / loomax

Massive Attack est un groupe britannique originaire de Bristol et précurseur de la musique Trip hop. Il se compose à l'origine de Robert Del Naja (3D), Grant Marshall (Daddy G) et Andrew Vowles (Mushroom). Le style du groupe, toujours en avance sur son temps, va évoluer : d'abord proche du Hip-hop, du Groove voire de la Soul, il se rapprochera de la musique électronique à la fin des années 1990. Le groupe a également eu une grande collaboration avec le musicien Adrian Thaws (Tricky) mais ce dernier quitte le groupe en 1994, après la sortie de l'album Protection. Selon ses dires, il ne se voyait pas faire partie du groupe. En désaccord avec l'évolution du style musical, Mushroom a quitté le groupe à la sortie de l'album Mezzanine, en 1998.

(http://www.myspace.com/massiveattack)

1991 : Blue Lines
1994 : Protection
1995 : No Protection
(album de remixes dub de Protection par Neil Frazer/Mad Professor)
1998 : Mezzanine
1998 : The singles collection 90/98 (Delabel/ Virgin)
2003 : 100th Window
2005 : Danny The Dog
(bande originale du film éponyme)
2006 : Collected
2009 : Spitting The Atom - EP





Robert "3D" Del Naja ("D") : Vocat, Keyboards, Programmation
Grant "Daddy G" Marshall ("G") : Vocal
+
Guest:
Horace Andy : Vocals
Martina Topley- Bird : Vocals
Debra Miller : Vocals

+ Band

Reece Damon : Drums
Angelo Bruschini : Guitar
John Baggott : Keyboards
Winston Blissett : Bass
Julien Brown : Drums






     1.    Bulletproof Love (Splitting The Atom - 2009)
    2.    Hartcliffe Star (New Song)
    3.    Babel (New Song)
    4.    16 Seeter (Cover Horace Andy -Skylarking - 1974)
    5.    Risingson (Mezzanine - 1994)
    6.    Red Light  (New Song)
    7.    Future Proof (100th Window - 2003)
    8.    Teardrop (Mezzanine -1998)
    9.    Psyche (Splitting The Atom - 2009)
    10.    Mezzanine (Mezzanine - 1998)
    11.    Angel (Mezzanine - 1998)
    12.    Safe From Harm (Blue Lines - 1991)
    13.    Inertia Creeps (Mezzanine - 1998)

   Encore 1

    14.    Splitting The Atom (Splitting The Atom - 2009)
    15.    Unfinished Sympathy (Blue Lines - 1991)
    16.    Atlas Air (New Song)

 Encore 2

 17.    Karmacoma (Protection - 1994)




La durée du concert : 1h45

AFFICHE / PROMO / FLYER