Première Partie: CRIPPED BLACK PHOENIX + EIGHT LEGS
Ce qu’en a pensé Eric :
« Il neige un 6 avril sur Paris, la température vient de chuter d'une petite dizaine de degrés en deux heures, et le porche de la Maroquinerie est un désert glacé que nulle foule ne vient réchauffer en ce triste dimanche soir. Heureusement que nous sommes quelques amis - nous faisons ce soir officiellement la connaissance de Cécile et de sa fille Alice, que j'avais déjà croisées aux Wombats - et que parler de nos dernières découvertes, illusions et désillusions musicales entretient un semblant de chaleur !
Lorsque Eight Legs monte sur scène à 20 h 05, je ne crois pas que nous soyons plus d'une quinzaine dans la salle, ce qui est quand même un peu triste, d'autant que ce petit groupe anglais nous arrive précédé d'un petit buzz sur MySpace. Et de fait, sans trop se formaliser de la salle vide, les voilà en train d'essayer de nous faire revivre 77 - ou tout au moins leur version de la chose : t-shirts faits à la main, énergie bondissante (le guitariste rythmique en face de moi est bien étourdissant à regarder, avec ses sauts de cabri), riffs de télécaster cinglants, coupe de cheveux ad hoc (iroquoise courte pour le chanteur), etc. Leur musique a aussi quelque chose qui peut évoquer les compositions de Mick Jones - ne serait-ce que l'accent Londonien pur jus du chanteur - ou de Madness, mais, malheureusement, au bout d'une demi heure, on semble un peu avoir fait le tour de la question : Eight Legs n'échappe pas pour l'instant à la banalité, et ne se distingue que par son énergie farouche, ce qui, ce soir, devant une salle quasiment vide, ne suffisait pas.
Il est un peu plus de 21 h 00 - dix minutes de retard sur l'horaire affiché à l'entrée - quand la troupe (8 musiciens !) de Crippled Black Phoenix se case tant bien que mieux sur la scène trop étroite pour eux de la Maroquinerie. En face de moi, il y a le fils de Charles Manson, sous la casquette du Che : il a aussi une guitare, un ampli Marshall des familles derrière lui, et un nombre impressionnant de pédales d'effet (un petit rigolo (?) m'aura fait remarqué pendant l'installation du matériel qu'une des pédales porte la marque AC-DC, ce qui d'après lui laissait présager du metal !!), bref tout pour faire mal, très mal. Et, de fait, c'est de cette guitare - bien amplifiée, merci - que naîtront nos quelques instants de bonheur pendant les 3/4 d'heures qui suivront. De ses riffs lourds et de ses solos qui vont venir ajouter sur quelques morceaux une vraie puissance aux ambiantes quasi planantes, en tout cas assez contemplatives d'une musique qui évoque fortement le Pink Floyd des années 70. Car Crippled Black Phoenix nous propose un post rock mi-envoûtant, mi-ennuyeux, qui hésite entre revival progressiste 70's et expérimentation lourde très 90's. C'est, en ce qui me concerne, cet aspect, malheureusement limité à 2 ou 3 morceaux maximum (dont celui d'ouverture du set, sur un riff qui rappelle le "One of The Days" du Floyd, comme me le fera remarquer Gilles P, et le final, superbe bourrasque sonique), qui m'a séduit. Pour le reste, j'ai quand même trouvé cette musique un tantinet lugubre (attitude et vocaux du chanteur, très Roger Waters !) et engourdissante.
Pour les Bishops, après la montagne de matériel de Crippled Black Phoenix - quel nom quand même ! -, la scène parait presque vide, entre l'ampli riquiqui de Mike (un "mini-Fender", rigole Gilles B), la batterie assez minimale de Chris (le "mad scottish drummer" blond, souriant et enthousiaste, au point de quelques plantages qui ne perturberont pas la bonne humeur des jumeaux Bishops) et, à l'autre bout de la scène, l'ampli de basse du frérot Pete : tant mieux, Mike va avoir de la place pour bouger, sauter, bref, faire toutes ces choses qu'il adore visiblement faire pour s'amuser. Car une heure de concert des Bishops, c'est avant tout une heure de pur plaisir, et en tant que telle, difficile à décrire. Car tout ici est "simple", clair (dans un sens "ligne claire", pour les amateurs de BD qui me comprendront - quelque part, je me dis que voilà un groupe dont le génial Serge Clerc aurait parfaitement narré l'histoire sans histoires à la grande époque de Metal Hurlant...) : la musique revisite une sorte d'époque bénie du début des sixties, quand Mick, Brian et Keith inventaient la pop anglaise à frange sur les bases de la musique nègre, et prolonge avec une élégance certaine les tentatives - pour la plupart plus lourdes - des Dr Feelgood, Inmates et autres Godfathers des décennies précédentes. Ajoutez les costumes noirs, cravates noires et fines, pompes pointues et bien cirées, chemises blanches, ainsi que le jeu de scène électrique et les chansons électrocutées en deux minutes trente, et vous obtenez un sorte de précipité de rock intemporel, d'une classe folle... mais qui, visiblement, ne passionne pas le public, vu la maigre assistance ce soir. Sans doute manque-t-il aux jumeaux Bishops une sorte de profondeur, un contexte, presque une "réalité", qui stimule l'imagination et excite autrement que physiquement : c'est cette perfection "à plat" - une fois de plus, je pense à la BD en Noir & Blanc des grands stylistes comme meilleure manière d'illustrer The Bishops - qui fait à la fois le charme (pas de prise de tête, juste de l'élégance et du plaisir) et les limites ("so what...?") du groupe. Je suis incapable, même si j'ai pas mal écouté le premier album des frères, de citer aucun des titres joués ce soir, et pourtant je connais chacun des riffs, chacun des refrains entraînants, comme si je les avait toujours connus : nous sommes ici dans l'univers des "standards", à la fois immortels et détachés de tout affect. Nous sommes ce soir dans le pur et simple bonheur de jouer et d'écouter du rock... Mike dégage une gentillesse et une joie communicatives, et c'est un délice chaque fois qu'il esquisse quelques pas de danse, quelques mimiques complices envers son public avant de prendre un solo ou d'envoyer une nouvelle rafale de riffs. Mais c'est encore plus savoureux de regarder ces deux jumeaux, chacun à une extrémité de la scène, qui, peut-être sans s'en rendre compte, adoptent au même moment la même attitude, la même gestuelle, bougent au même rythme, créant ainsi un effet chorégraphique d'autant plus touchant qu'il paraît naturel, spontané...
Vous me direz qu'une heure plus tard, au moment de ressortir dans la nuit glacée, nous me sommes pas forcément beaucoup plus avancés - je réalise qu'aucune chanson ne m'est restée dans la tête, qu'il n'y a d'ailleurs eu aucun moment vraiment intense durant le concert des Bishops, peut-être faute au son qui aurait pu, qui aurait dû être plus fort -, je vous répondrait que, oui, "It's Only Rock'n'Roll, but I Like It".
Yes I do ! »
Lorsque Eight Legs monte sur scène à 20 h 05, je ne crois pas que nous soyons plus d'une quinzaine dans la salle, ce qui est quand même un peu triste, d'autant que ce petit groupe anglais nous arrive précédé d'un petit buzz sur MySpace. Et de fait, sans trop se formaliser de la salle vide, les voilà en train d'essayer de nous faire revivre 77 - ou tout au moins leur version de la chose : t-shirts faits à la main, énergie bondissante (le guitariste rythmique en face de moi est bien étourdissant à regarder, avec ses sauts de cabri), riffs de télécaster cinglants, coupe de cheveux ad hoc (iroquoise courte pour le chanteur), etc. Leur musique a aussi quelque chose qui peut évoquer les compositions de Mick Jones - ne serait-ce que l'accent Londonien pur jus du chanteur - ou de Madness, mais, malheureusement, au bout d'une demi heure, on semble un peu avoir fait le tour de la question : Eight Legs n'échappe pas pour l'instant à la banalité, et ne se distingue que par son énergie farouche, ce qui, ce soir, devant une salle quasiment vide, ne suffisait pas.
Il est un peu plus de 21 h 00 - dix minutes de retard sur l'horaire affiché à l'entrée - quand la troupe (8 musiciens !) de Crippled Black Phoenix se case tant bien que mieux sur la scène trop étroite pour eux de la Maroquinerie. En face de moi, il y a le fils de Charles Manson, sous la casquette du Che : il a aussi une guitare, un ampli Marshall des familles derrière lui, et un nombre impressionnant de pédales d'effet (un petit rigolo (?) m'aura fait remarqué pendant l'installation du matériel qu'une des pédales porte la marque AC-DC, ce qui d'après lui laissait présager du metal !!), bref tout pour faire mal, très mal. Et, de fait, c'est de cette guitare - bien amplifiée, merci - que naîtront nos quelques instants de bonheur pendant les 3/4 d'heures qui suivront. De ses riffs lourds et de ses solos qui vont venir ajouter sur quelques morceaux une vraie puissance aux ambiantes quasi planantes, en tout cas assez contemplatives d'une musique qui évoque fortement le Pink Floyd des années 70. Car Crippled Black Phoenix nous propose un post rock mi-envoûtant, mi-ennuyeux, qui hésite entre revival progressiste 70's et expérimentation lourde très 90's. C'est, en ce qui me concerne, cet aspect, malheureusement limité à 2 ou 3 morceaux maximum (dont celui d'ouverture du set, sur un riff qui rappelle le "One of The Days" du Floyd, comme me le fera remarquer Gilles P, et le final, superbe bourrasque sonique), qui m'a séduit. Pour le reste, j'ai quand même trouvé cette musique un tantinet lugubre (attitude et vocaux du chanteur, très Roger Waters !) et engourdissante.
Pour les Bishops, après la montagne de matériel de Crippled Black Phoenix - quel nom quand même ! -, la scène parait presque vide, entre l'ampli riquiqui de Mike (un "mini-Fender", rigole Gilles B), la batterie assez minimale de Chris (le "mad scottish drummer" blond, souriant et enthousiaste, au point de quelques plantages qui ne perturberont pas la bonne humeur des jumeaux Bishops) et, à l'autre bout de la scène, l'ampli de basse du frérot Pete : tant mieux, Mike va avoir de la place pour bouger, sauter, bref, faire toutes ces choses qu'il adore visiblement faire pour s'amuser. Car une heure de concert des Bishops, c'est avant tout une heure de pur plaisir, et en tant que telle, difficile à décrire. Car tout ici est "simple", clair (dans un sens "ligne claire", pour les amateurs de BD qui me comprendront - quelque part, je me dis que voilà un groupe dont le génial Serge Clerc aurait parfaitement narré l'histoire sans histoires à la grande époque de Metal Hurlant...) : la musique revisite une sorte d'époque bénie du début des sixties, quand Mick, Brian et Keith inventaient la pop anglaise à frange sur les bases de la musique nègre, et prolonge avec une élégance certaine les tentatives - pour la plupart plus lourdes - des Dr Feelgood, Inmates et autres Godfathers des décennies précédentes. Ajoutez les costumes noirs, cravates noires et fines, pompes pointues et bien cirées, chemises blanches, ainsi que le jeu de scène électrique et les chansons électrocutées en deux minutes trente, et vous obtenez un sorte de précipité de rock intemporel, d'une classe folle... mais qui, visiblement, ne passionne pas le public, vu la maigre assistance ce soir. Sans doute manque-t-il aux jumeaux Bishops une sorte de profondeur, un contexte, presque une "réalité", qui stimule l'imagination et excite autrement que physiquement : c'est cette perfection "à plat" - une fois de plus, je pense à la BD en Noir & Blanc des grands stylistes comme meilleure manière d'illustrer The Bishops - qui fait à la fois le charme (pas de prise de tête, juste de l'élégance et du plaisir) et les limites ("so what...?") du groupe. Je suis incapable, même si j'ai pas mal écouté le premier album des frères, de citer aucun des titres joués ce soir, et pourtant je connais chacun des riffs, chacun des refrains entraînants, comme si je les avait toujours connus : nous sommes ici dans l'univers des "standards", à la fois immortels et détachés de tout affect. Nous sommes ce soir dans le pur et simple bonheur de jouer et d'écouter du rock... Mike dégage une gentillesse et une joie communicatives, et c'est un délice chaque fois qu'il esquisse quelques pas de danse, quelques mimiques complices envers son public avant de prendre un solo ou d'envoyer une nouvelle rafale de riffs. Mais c'est encore plus savoureux de regarder ces deux jumeaux, chacun à une extrémité de la scène, qui, peut-être sans s'en rendre compte, adoptent au même moment la même attitude, la même gestuelle, bougent au même rythme, créant ainsi un effet chorégraphique d'autant plus touchant qu'il paraît naturel, spontané...
Vous me direz qu'une heure plus tard, au moment de ressortir dans la nuit glacée, nous me sommes pas forcément beaucoup plus avancés - je réalise qu'aucune chanson ne m'est restée dans la tête, qu'il n'y a d'ailleurs eu aucun moment vraiment intense durant le concert des Bishops, peut-être faute au son qui aurait pu, qui aurait dû être plus fort -, je vous répondrait que, oui, "It's Only Rock'n'Roll, but I Like It".
Yes I do ! »
1 commentaire:
Mieux vaut tard que jamais !
Un petit com pour répéter à quel point c'est sympa de revivre un concert à travers vos chroniques (bravo et merci à ceux qui arrivent à parler de la musique en développant et sans être chiants…).
Merci à Gilles, on est à fond avec lui pour les Bishops… et un prix spécial pour Eric, je le vois le portrait des Bishops par Serge Clerc !!!
A la prochaine…
Cécile
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