Première Partie : Mobius band
Ce qu’en a pensé Eric :
Mobius band = ruban de Möbius, soit la seule surface à une seule face et un seul bord constructible par un enfant de 3 ans. Mobius band = un drôle de trio de Brooklyn, qui a superbement démarré la soirée avec une musique hautement improbable : imaginez un peu de l'Elliott Smith - superbement chanté, tantôt par le bassiste, tantôt par le guitariste, tous deux oeuvrant par ailleurs aux claviers - soutenu, recouvert, submergé parfois par de l'electronica azimuthée, !? Avec surtout un batteur redoutable, dont le rêve serait visiblement d'être une beatbox, défonçant ses fûts jusqu'à la limite de ses forces, générant des rythmes syncopés particulièrement excitants. Le groupe paraît tout heureux de la réaction du public devant leur jolie musique, oscillant entre mélancolie dépressive et crise de stress aigu. Quelques jolis finaux épileptiques et déjantés pour beaucoup de spleen élégant, en seulement 25 minutes.
Ce soir, pour Editors, notre petite bande est renforcée de nombreux membres additionnels - Christophe et Elisabeth, Florence, une copine de Gilles B, par exemple -, preuve que Editors est une "valeur montante" du rock, asseyant sa popularité sur ses chansons époustouflantes. Ce soir, l'enjeu pour moi est important, après un concert au festival des Inrocks techniquement impeccable mais manquant de ce supplément d'âme qui fait les grands concerts... et les grands groupes. Je suis donc là donc pour voir si Editors peut devenir l'un des grands groupes des années 2000... Au premier rang, à côté de moi, les inévitables minettes / groupies qui, elles, ont déjà décidé qu'Editors était LE groupe de leur vie, avec cet enthousiasme sympathique qui fait toujours beaucoup pour qu'un concert baigne dans la juste ambiance.
Entrée en scène impressionnante d'Editors, solennelle comme il se doit de la part d'un groupe qu'on a "catalogué" - ouh le vilain mot - comme rejeton de Joy D. Tom Smith interprète le premier morceau (extrait du premier album, dont je ne connais pas que les chansons "anthémiques") depuis le fond de la scène, les autres musiciens sont dans l'obscurité, ils vont d'ailleurs y rester pendant les 1 h 20 du concert, ce qui ne facilitera pas les photos. Après ce premier morceau de mise au point, le concert démarre vraiment, avec "An End Has a Start" : le son est beau et clair, même si, placés comme nous sommes, juste devant la sono, nous sommes surtout balayés par sa puissance -, les lumières minimales mais très souvent impressionantes, et, immédiatement, on retrouve cette intensité permanente du chant, de la musique, qui fait que l'on aime Editors (ou pas).
Il n'y aura pas une baisse de tension pendant l'heure qui va suivre, mais un flux ininterrompu de chansons parfaites, les deux albums étant joués dans leur quasi intégralité, en alternant les brûlots plus durs du premier ("Blood", "Bullets", "When Anger Shows", et surtout, juste avant le rappel, "Fingers in the Factories" avec son refrain martelé) et les hymnes pétrifiantes de beauté du second (il faudrait toutes les citer...). Avec, au milieu, une reprise étonnante mais impeccable du "Lullaby" de Cure ! Meilleurs moments de la soirée pour moi : un "All Sparks" sautillant, presque joyeux (disons, joyeusement mélancolique plutôt que sinistrement austère comme souvent les grandes chansons d'Editors), une belle version quasi-acoustique de "Push Your Head Into the Air", et, pour ouvrir le rappel, les - toujours stupéfiants - cris de panique ("Retreat " Retreat !), de "Bones", pour moi le moment où Tom Smith évoque le plus le spectre maladroit et convulsif de Ian Curtis... avant une interprétation apocalyptique et fracassée d'un morceau que je ne connais pas non plus (d'après la set list "U R Fading"...), pendant lequel les musiciens se laissent vraiment aller et la musique devient - enfin - réellement frénétique.
Car, malgré l'enthousiasme et l'émotion que génèrent systématiquement en moi les GRANDES chansons (oui, je sais, je me répète) d'Editors, malgré la voix magnifique de Tom Smith et la Rickenbaker enchantée de Chris Urbanowicz - juste en face de nous ce soir, minet à la bouille angélique, condamné à l'obscurité au sein de laquelle il tisse sa toile avec une légèreté gracieuse jamais en défaut -, et même si, ce soir, le concert est clairement supérieur au set de la Cigale, il subsiste une infime retenue - peut-être inévitable vue la complexité de la musique ? - qui maintient de justesse les prestations d'Editors en deça du "mémorable", du "légendaire". Commme si, pour revenir à l'oeuvre qui sert de matrice à leur musique toute entière, on n'avait finalement affaire qu'à une version assainie, magnifiée (les mélodies, le souffle lyrique) mais paradoxalement diminuée, de l'oeuvre au noir de Joy Division.
Mais bon, trêve de réserves, si tous les concerts étaient beaux comme celui de ce soir, nous serions tous plus heureux. D'ailleurs, arrivé à 18 h 30 avec le moral pas bien haut avec la neige fondue qui se déversait sur la queue transie devant le Bataclan, je repars quatre heures plus tard, bouleversé par le sentiment que la vie est un magnifique bouquet d'émotions froissées : "Well be careful angel / this life is just too long / All sparks will burn out / All sparks will burn out / In the end"... En attendant de nous éteindre à jamais, brûlons de mille feux - éphémères mais resplendissants - de joie.
1 commentaire:
Bon, ben heureusement que ça n'est pas moi qui fait le compte-rendu parce que tout ce que je trouverais à dire c'est : "c'était beau… :-) :-) :-)"… Ah, ah…
On se verra à la Boule Noire le 22 !
Bon week-end.
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