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mercredi 9 juillet 2008

My Bloody Valentine ~ Le Zénith. Paris.









Première Partie : Le Volume Courbe



Ce qu’en a pensé Eric :
« Le périphérique bloqué, l'été qui hésite à démarrer, un petit Zénith plein au quart, Gilles B aphone, voici une soirée qui mise sur la tristesse et le spleen. Alors quand la petite chanteuse du Volume Courbe susurre ses bribes de chansons, sans coeur ni âme, fragments microscopiques de mélancolie vidée de toute essence, accrochée au micro pour ne pas s'enfuir, je me dis qu'il y a des limites à la cruauté : pourquoi programmer un groupe aussi vert, qui n'a en tout et pour tout que 2 ou 3 (jolies) idées mais ose à peine les exprimer, dans une telle salle ? Le public est doux, qui ne veut pas effaroucher nos adolescents, et le silence est tel - la foule est calme, le groupe n'a guère qu'une guitare sèche, un xylophone, non amplifiés, et une batterie - que l'on entend les déclencheurs des appareils des photographes dans la fosse ("du jamais vu au Zénith", nous confirme Robert en riant). Avons-nous même entendu de la musique pendant 25 minutes ? Non, seulement des bribes de son, des rires gênés d'enfants... Ailleurs, cela aurait pu être charmant, ce soir, c'était nul et non avenu.

Nous, on est là pour se faire exploser la tête, pour que nos oreilles saignent, on a mis un point d'honneur à ne pas accepter les bouchons offerts gratuitement à l'entrée, on a eu un peu peur en constatant que, derrière la console, trainait un appareil de contrôle du niveau sonore. Alors quand, après 20 minutes environ de concert, Kevin Shields, muet jusque là, à son habitude, nous dit - par deux fois - d'un air dépité : "Les gens de la salle ont baissé le son de la sono, on n'y peut rien, on s'excuse si vous n'entendez pas notre musique comme elle devrait...", nos pires craintes se matérialisent : décidément, la France, avec ses règlements et sa folie dictatoriale d'un Etat se délectant de la privation des libertés "pour le bien de tous", n'est pas le pays du Rock, et il n'est pas sûr que My Bloody Valentine revienne de si tôt jouer en nos contrées. Mais le pire reste à venir : lors du dernier morceau, l'épique "You Made Me Realise", qui voit My Bloody Valentine se lancer dans un tunnel bruitiste extrême, couronnant magnifiquement le concert, le son lâche après une quinzaine de minutes, laissant les musiciens et le public comme égarés au milieu du silence... Problème technique ? Excès de censure parce que le son a régulièrement frisé - dépassé peut-être - les limites légales ? On ne le saura pas, et après une petite dizaine de minutes d'attente, le morceau peut repartir, jusqu'à ce que Kevin ait (apparemment) des problèmes avec ses pédales d'effets et déclare définitivement forfait. Une fin en eau de boudin pour un concert qui a été pour moi le meilleur que j'aie jamais vu et entendu du groupe, et qui a consacré le grand retour d'un artiste majeur, d'un créateur essentiel des années 90.

Car on a frisé la perfection dans le genre, ce soir, ou plutôt, on l'aurait frisée si le niveau sonore aurait pu être à la hauteur - épique, pas moins - des shows "normaux" (c'est-à-dire pas en France) de My Bloody Valentine : un son quand même puissant et somptueux, un travail remarquable sur les ambiances lumineuses, entre projection d'images psychédéliques et stroboscopes incitant à la transe ("Ne manquait que les pétards", confirmait Gilles B), une set list proposant une belle escalade émotionnelle et sonore jusqu'au sus nommé "You Made Me Realise" et sa plongée en apnée dans l'abstraction bruitiste. J'ai, quant à moi, mis un peu de temps à plonger dans le magma, et c'est "Only Shallow", la célèbre ouverture de Loveless, avec ses attaques soniques surpuissantes, qui a été le premier déclencheur du plaisir pour moi. Ensuite, une fois ce seuil passé, il n'a plus été question que de se laisser dériver dans cet univers aussi abstrait que prodigieusement physique (à ce niveau sonore, la musique devient presque tangible) et de rechercher une sorte d'osmose à la fois hébétée et confortable. Le sommet du concert a été pour moi un morceau magnifique, dont le titre m'échappe (help !!), superbe construction quasi-géométrique et répétitive, sur lequel l'effet de "transe" a joué en plein, jusqu'au plaisir (d'ailleurs, j'ai jeté un coup d'oeil à Gilles B, à côté de moi, et il a passé tout le morceau à se laisser emporter, les yeux fermés, par la pulsation de vie de la musique...).


Un mot sur les musiciens : la mignonne Bilinda - loin de nous, sur la gauche de la scène - nous a paru miraculeusement épargnée par les outrages du temps (16 ans quand même depuis leur dernier passage à l'Olympia !), la section rythmique a été absolument démentielle (je ne me souvenais pas, honnêtement, que Colm Ó Cíosóig, le batteur, ait été aussi déchaîné, et que les montées en puissance des morceaux soient autant basées sur la furie de la batterie !), et Kevin Shield, juste en face de nous, plus marqué par l'âge, reste le même Kevin Shields. Mûré dans le silence de sa tête, il semble rêver - depuis un autre niveau de réalité et avec une étonnante (fausse ?) placidité - les assauts soniques de sa guitare.


Après une heure et demi, les oreilles quand même gravement allumées par le mur de Marshalls en face, au milieu de nombreux jeunes spectateurs hébétés, qui n'avaient visiblement jamais entendu de la musique jouée aussi fort, force a donc été de constater que la réappartion soudaine de My Bloody Valentine fait pleinement sens, et que le fait que les leçons - de son, d'imagination - de la matrice "Loveless" aient été retenues par de nombreux groupes actuels ne devrait pas nous dispenser du plaisir d'écouter à nouveau l'inventeur du "noise".»





photos de eric

1 commentaire:

Papa Ours a dit…

Grandiose ! malgré le final avorté (mais au moins on s'en souviendra : MBV trop fort pour la France !)