Ce qu’en a pensé Eric :
« Je déteste Bercy, qui contredit pour moi ce que devrait offrir un vrai concert de rock : trop grand, froid, difficilement sonorisable, bref un exemple typique de salle servant aux organisateurs à pomper sans vergogne le porte-monnaie de foules immenses ! Mais bon, les copains m'ont pris ma place, et c'est quand même The Cure qui y passe ce soir, soit l'un des groupes majeurs du début des années 80. J'ai donc finalement décidé de voir si la nostalgie y était... !
Je débarque du TGV en provenance de Lyon trop tard pour assister à la première partie, ce qui, d'après ceux qui étaient déjà là, n'est pas un drame... Toute la bande est d'ailleurs disséminée de part et d'autre de la salle - qui dans les gradins, qui dans la fosse - ce qui ne facilite pas la conversation, vite limitée à des grands signes de mains et des hurlements dans les portables.
20 h 15 - un ciel étoilé est projeté en toile de fond derrière la scène, une musique planante assez insignifiante annonce l'entrée d'un Robert Smith à peu près inchangé depuis 25 ans, avec quelques nouveaux kilos en plus, et une coiffure et un maquillage qui ne sont plus très pour son âge, il faut bien dire (qui a prononcé le mot "ridicule" ?). La musique de The Cure, réduit désormais à un quartet sans claviers, est, malgré un son qui n'est pas des plus clairs ni des plus forts, immédiatement reconnaissable : on retrouve ce sentiment diffus de mélancolie enfantine, désormais un peu convenu, pour un démarrage très en douceur de ce concert. On se rend vite compte qu'on va s'ennuyer un peu, pour tout dire, et on s'occupe à reconnaitre les titres joués, souvent dans des versions significativement différentes, choisis parmi le désormais impressionnant répertoire du groupe. "Strange days", même sans sa magie originelle, réveille un peu la foule, mais force est d'admettre qu'on est loin de la splendide noirceur des concerts des années 80, et je commence à regretter d'être venu, de peur de voir mes merveilleux souvenirs de ce groupe séminal engloutis par un show sans grande conviction. D'où je suis placé, assez loin quand même de la scène, Robert Smith, vu à la jumelle, ressemble à un gros ours travesti et pataud, voûté sur sa guitare d'où il arrive quand même toujours à tirer des sons impressionnants...
A ce stade du concert, ma consternation augmente encore d'un cran quand je réalise que les plus beaux morceaux pop des années "commerciales" de Cure sont tragiquement laminés par une rythmique très basique, très lourde (à la fin du concert, l'un de mes voisins huera le batteur, en le traitant de "naze", et je dois dire que cela correspondait bien à mon propre sentiment !), et par un manque général de subtilité qui ne pardonne pas... Je remarque autour de moi, dans les gradins, ou dans la fosse en contrebas, que les gens bougent mollement en rythme, se raccrochant visiblement plus aux souvenirs qu'ils ont de bijoux pop comme "The Walk" que de l'interprétation qui en est faite ce soir. Le pire, c'est que la même chose peut être dire des morceaux les plus mélancoliques, vite réduits à des ritournelles simplistes, martelées par cette rythmique sans grâce : cette musique est devenue une sorte de caricature grossière, faite pour les stades et les masses, de ces états dépressifs qui l'a engendrée, il y a si longtemps désormais. Même sur une assez belle interprétation de "Pictures of You", qui réveille enfin quelques spectres chéris du passé, je dois dire que j'ai du mal à ne pas laisser mes pensées vagabonder, ce qui est quand même la dernière chose que je recherche en allant assister à un concert de rock ! Il est difficile de se concentrer quand le niveau sonore est insufisamment élevé pour créer le maestrom sonore que nécessite normalement la musique de Cure (de plus, on est régulièrement gênés par un écho incontrolé de la batterie, qui se réverbère sur le fond de cette (putain de) salle !...).
Mais peu à peu, quelque chose se met en place, au fil de quelques pics d'intensité de plus en plus nombreux, ou grâce au charme suranné et fragile que gardent certaines comptines pop froissées de Smith ("The Dream"). Sans doute faut-il accepter que The Cure n'est plus que l'ombre de lui-même, et admettre qu'il y a une indéniable générosité chez Robert Smith à nous gratifier d'un tel voyage à travers les années (d'après ce que nous savons des concerts précédents de la tournée, on peut s'attendre à 3 heures de musique ce soir !), même si bien des angoisses et des rêves de cette époque se sont désormais irrémédiablement usés à force d'être évoqués. Le premier vrai "crowd pleaser" déboule au bout d'une heure et quart, et on commence à décoller avec "Push" (extrait de "The head on the door", l'album de référence pour le public français). C'est un peu un soulagement de voir que The Cure sait encore faire monter l'intensité de sa musique, même si n'est plus que de manière sporadique. Patricia, derrière moi, se penche et me confirme qu'il s'est bien passé quelque chose ("c'est le 1er morceau...!"), mais la tension retombe immédiatement avec un morceau que je n'identifie pas, plus faible.
Si c'est assez satisfaisant de voir The Cure à nouveau en formation serree, concentrant le son sur l'essentiel, le côté irrémédiablement bourrin de l'interprétation dessert la plupart des morceaux (je pense à une effroyable version lourdingue de "Friday I'm in love"). "In Between days" relance la frénésie dans la salle, même si le choix du spectaculaire à la dimension de Bercy réduit à sa portion congrue la sombre beauté de cette grande chanson. "Just like heaven" poursuit dans la même veine, évoquant une époque de gloire aujourd'hui quasi oubliée... sauf par les fans de Bercy (pas mal de têtes grisonnantes dans la salle, bien sûr, mais pas seulement...! Je suis agréablement surpris par la proportion élevée de jeunes...). Belle ambiance ensuite, avec les ombres des musiciens projetées sur les écrans derrière la scène, sur un morceau qui est l'un de mes favoris dans sa fureur résignée, "Shake Dog Shake", extrait du sous-estimé "The Top". Encore une fois, je maudis la taille de la salle qui, même si le volume sonore a augmenté, mutile littéralement les sensations que devraient créer cette musique autiste.
C'est la fin de la seconde heure de concerts, et je suis encore très partagé quant à ce que j'ai entendu... Soudain, lumières rouges et blanches, projection d'images d'archives de crises économiques, de répression policière, un panorama glaçant du dernier siècle : "It doesn't matter if we all die..." gémit Robert Smith... et si la "pornographie" d'aujour'hui, c'était cela, la machine socio-politique qui broie et recrache les nouveaux damnés de la terre ? Voici enfin un bel écho actuel de ce qui étaient des cauchemars d'un jeune musicien gavé de drogue et fou d'angoisse : c'est "A 100 years", le premier morceau véritablement magnifique de ce soir ! Mais The Cure sort de scène après 2 h 10, après un beau "Disintegration", moment de transe douloureuse, pendant lequel la voix de Robert Smith, toujours aussi poignante, fait des merveilles, en dépit de la simplification à outrance des structures musicales.
5 minutes de pause, et The Cure reviennent pour un superbe retour sur les années grises ("At Night", rarement joué, toujours magnifique). La surprise - la divine surprise - est que Robert Smith continue sur sa lancée, et fait défiler pour nous les atmosphères vaporeuses du sublime album "17"" (toujours un peu bodybuildées quand même, malheureusement...). Jusqu'à "The Forest", riff de basse inoubliable, en passant par "Play For Today", déferlement de sensations asphyxiantes, sur lequel, enfin, la salle entière prend feu ! Des frissons partout, les larmes aux yeux, cette musique est toujours littéralement impériale dans sa célébration hébétée des tourments les plus intimes. Ou comment écrire des hymnes à partir de la pure horreur d'exister.
Second break après 2 h 35, avec pour moi le soulagement infini apporté par ce qu'on vient d'entendre au cours de la dernière demi-heure : ces quatre morceaux enchaînés de "17"", qui justifient à eux seuls notre présence ce soir ! Le second rappel sera consacré au pic des années acidulées, avec une version anecdotique mais curieusement plaisante à cette heure de la nuit de "Lovecats", puis l'invitation lourdement funky de "Let's go to bed"... Robert Smith paraît quant à lui incroyablement joyeux (enfin, relativisons, on parle quand même de Mr Désespoir !), transportant son quintal à travers la scène avec la grâce du ballet d'éléphants en tutu de Dumbo : bref c'est drôle et presque charmant... On continue logiquement avec "Close to Me", comme un remerciement pour les années de dévotion sans faille du public français pour cette musique paradoxalement rose et noire, incroyablement morbide et pourtant sereinement naïve...
Dernier break au bout de presque 3 heures avant une plongée en apnée dans une version plombée de "Three Imaginary boys", délestée de l'insouciance de la jeunesse. On est donc revenu au sublime premier album, la boucle est bouclée : "Fire in Cairo" pur plaisir de réminiscence des années punks, "Boys don't Cry" un peu usé et gras, puis le coup d'accélérateur surprenant de".. Someone else's train"... ; "Grindin Halt", dur et saignant, peut-être le meilleur morceau de la soirée ! "10;15", énorme, je suis maintenant complètement en transes (même si une grand partie du public ne semble pas très familière avec les premières années du groupe) et,... incroyable !... "Killing An Arab", fracas abstrait, pour boucler la boucle en revenant au 1er single... on parle quand même, si ma mémoire est bonne, de 1979 !
On croit que c'est fini, mais Robert Smith revient en nous annonçant "une dernière chanson, on a encore le temps" : c'est "Faith", redescente magique après l'excitation qui a précédé... Le manque de subtitilié récurrent de la section rythmique n'a plus d'importance, c'est bon de laisser la tension retomber dans les boucles hypnotiques de ce chant funèbre : il faut se résigner à mourir... Il ne reste plus que la foi. "If only you could stay ! Please say the right words"...
3 h 30 de musique ! Sans doute l'un des plus longs concerts auxquels j'aie jamais assistés ! Chapeau bas, Mr Smith ! Si The Cure n'existe plus vraiment, et ce depuis de nombreuses années, son répertoire, exceptionnel, a été revisité ce soir avec suffisamment de pertinence et de passion pour que nous sortions de là HEUREUX ! Et si on en avait repris pour 10 ans ?
Je débarque du TGV en provenance de Lyon trop tard pour assister à la première partie, ce qui, d'après ceux qui étaient déjà là, n'est pas un drame... Toute la bande est d'ailleurs disséminée de part et d'autre de la salle - qui dans les gradins, qui dans la fosse - ce qui ne facilite pas la conversation, vite limitée à des grands signes de mains et des hurlements dans les portables.
20 h 15 - un ciel étoilé est projeté en toile de fond derrière la scène, une musique planante assez insignifiante annonce l'entrée d'un Robert Smith à peu près inchangé depuis 25 ans, avec quelques nouveaux kilos en plus, et une coiffure et un maquillage qui ne sont plus très pour son âge, il faut bien dire (qui a prononcé le mot "ridicule" ?). La musique de The Cure, réduit désormais à un quartet sans claviers, est, malgré un son qui n'est pas des plus clairs ni des plus forts, immédiatement reconnaissable : on retrouve ce sentiment diffus de mélancolie enfantine, désormais un peu convenu, pour un démarrage très en douceur de ce concert. On se rend vite compte qu'on va s'ennuyer un peu, pour tout dire, et on s'occupe à reconnaitre les titres joués, souvent dans des versions significativement différentes, choisis parmi le désormais impressionnant répertoire du groupe. "Strange days", même sans sa magie originelle, réveille un peu la foule, mais force est d'admettre qu'on est loin de la splendide noirceur des concerts des années 80, et je commence à regretter d'être venu, de peur de voir mes merveilleux souvenirs de ce groupe séminal engloutis par un show sans grande conviction. D'où je suis placé, assez loin quand même de la scène, Robert Smith, vu à la jumelle, ressemble à un gros ours travesti et pataud, voûté sur sa guitare d'où il arrive quand même toujours à tirer des sons impressionnants...
Mais peu à peu, quelque chose se met en place, au fil de quelques pics d'intensité de plus en plus nombreux, ou grâce au charme suranné et fragile que gardent certaines comptines pop froissées de Smith ("The Dream"). Sans doute faut-il accepter que The Cure n'est plus que l'ombre de lui-même, et admettre qu'il y a une indéniable générosité chez Robert Smith à nous gratifier d'un tel voyage à travers les années (d'après ce que nous savons des concerts précédents de la tournée, on peut s'attendre à 3 heures de musique ce soir !), même si bien des angoisses et des rêves de cette époque se sont désormais irrémédiablement usés à force d'être évoqués. Le premier vrai "crowd pleaser" déboule au bout d'une heure et quart, et on commence à décoller avec "Push" (extrait de "The head on the door", l'album de référence pour le public français). C'est un peu un soulagement de voir que The Cure sait encore faire monter l'intensité de sa musique, même si n'est plus que de manière sporadique. Patricia, derrière moi, se penche et me confirme qu'il s'est bien passé quelque chose ("c'est le 1er morceau...!"), mais la tension retombe immédiatement avec un morceau que je n'identifie pas, plus faible.
Si c'est assez satisfaisant de voir The Cure à nouveau en formation serree, concentrant le son sur l'essentiel, le côté irrémédiablement bourrin de l'interprétation dessert la plupart des morceaux (je pense à une effroyable version lourdingue de "Friday I'm in love"). "In Between days" relance la frénésie dans la salle, même si le choix du spectaculaire à la dimension de Bercy réduit à sa portion congrue la sombre beauté de cette grande chanson. "Just like heaven" poursuit dans la même veine, évoquant une époque de gloire aujourd'hui quasi oubliée... sauf par les fans de Bercy (pas mal de têtes grisonnantes dans la salle, bien sûr, mais pas seulement...! Je suis agréablement surpris par la proportion élevée de jeunes...). Belle ambiance ensuite, avec les ombres des musiciens projetées sur les écrans derrière la scène, sur un morceau qui est l'un de mes favoris dans sa fureur résignée, "Shake Dog Shake", extrait du sous-estimé "The Top". Encore une fois, je maudis la taille de la salle qui, même si le volume sonore a augmenté, mutile littéralement les sensations que devraient créer cette musique autiste.
C'est la fin de la seconde heure de concerts, et je suis encore très partagé quant à ce que j'ai entendu... Soudain, lumières rouges et blanches, projection d'images d'archives de crises économiques, de répression policière, un panorama glaçant du dernier siècle : "It doesn't matter if we all die..." gémit Robert Smith... et si la "pornographie" d'aujour'hui, c'était cela, la machine socio-politique qui broie et recrache les nouveaux damnés de la terre ? Voici enfin un bel écho actuel de ce qui étaient des cauchemars d'un jeune musicien gavé de drogue et fou d'angoisse : c'est "A 100 years", le premier morceau véritablement magnifique de ce soir ! Mais The Cure sort de scène après 2 h 10, après un beau "Disintegration", moment de transe douloureuse, pendant lequel la voix de Robert Smith, toujours aussi poignante, fait des merveilles, en dépit de la simplification à outrance des structures musicales.
5 minutes de pause, et The Cure reviennent pour un superbe retour sur les années grises ("At Night", rarement joué, toujours magnifique). La surprise - la divine surprise - est que Robert Smith continue sur sa lancée, et fait défiler pour nous les atmosphères vaporeuses du sublime album "17"" (toujours un peu bodybuildées quand même, malheureusement...). Jusqu'à "The Forest", riff de basse inoubliable, en passant par "Play For Today", déferlement de sensations asphyxiantes, sur lequel, enfin, la salle entière prend feu ! Des frissons partout, les larmes aux yeux, cette musique est toujours littéralement impériale dans sa célébration hébétée des tourments les plus intimes. Ou comment écrire des hymnes à partir de la pure horreur d'exister.
Second break après 2 h 35, avec pour moi le soulagement infini apporté par ce qu'on vient d'entendre au cours de la dernière demi-heure : ces quatre morceaux enchaînés de "17"", qui justifient à eux seuls notre présence ce soir ! Le second rappel sera consacré au pic des années acidulées, avec une version anecdotique mais curieusement plaisante à cette heure de la nuit de "Lovecats", puis l'invitation lourdement funky de "Let's go to bed"... Robert Smith paraît quant à lui incroyablement joyeux (enfin, relativisons, on parle quand même de Mr Désespoir !), transportant son quintal à travers la scène avec la grâce du ballet d'éléphants en tutu de Dumbo : bref c'est drôle et presque charmant... On continue logiquement avec "Close to Me", comme un remerciement pour les années de dévotion sans faille du public français pour cette musique paradoxalement rose et noire, incroyablement morbide et pourtant sereinement naïve...
Dernier break au bout de presque 3 heures avant une plongée en apnée dans une version plombée de "Three Imaginary boys", délestée de l'insouciance de la jeunesse. On est donc revenu au sublime premier album, la boucle est bouclée : "Fire in Cairo" pur plaisir de réminiscence des années punks, "Boys don't Cry" un peu usé et gras, puis le coup d'accélérateur surprenant de".. Someone else's train"... ; "Grindin Halt", dur et saignant, peut-être le meilleur morceau de la soirée ! "10;15", énorme, je suis maintenant complètement en transes (même si une grand partie du public ne semble pas très familière avec les premières années du groupe) et,... incroyable !... "Killing An Arab", fracas abstrait, pour boucler la boucle en revenant au 1er single... on parle quand même, si ma mémoire est bonne, de 1979 !
On croit que c'est fini, mais Robert Smith revient en nous annonçant "une dernière chanson, on a encore le temps" : c'est "Faith", redescente magique après l'excitation qui a précédé... Le manque de subtitilié récurrent de la section rythmique n'a plus d'importance, c'est bon de laisser la tension retomber dans les boucles hypnotiques de ce chant funèbre : il faut se résigner à mourir... Il ne reste plus que la foi. "If only you could stay ! Please say the right words"...
3 h 30 de musique ! Sans doute l'un des plus longs concerts auxquels j'aie jamais assistés ! Chapeau bas, Mr Smith ! Si The Cure n'existe plus vraiment, et ce depuis de nombreuses années, son répertoire, exceptionnel, a été revisité ce soir avec suffisamment de pertinence et de passion pour que nous sortions de là HEUREUX ! Et si on en avait repris pour 10 ans ?
PJ : Photos pourries, vu ma position, pour les souvenirs seulement ! »
1 commentaire:
Merci pour ton commentaire.
Je vais voir The Cure en concert le 14 mai à Montreal. Au début en lisant ton commentaire, je me suis dit "merde, j'ai payé 65 euros et ca n'a pas l'air top" mais finalement, l'ensemble de tes commentaires est plutôt positif alors j'ai hâte de voir ca !
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