« Depuis le début de cette année 2008, c'est quand même assez étonnant le nombre de concerts "nostalgie" qui se sont enchaînés - de Morrissey à Elliott Murphy, en passant par Cure et Neil Young... Il va falloir faire attention à ne pas devenir tout ce que nous vouons aux gémonies, de vieux crabes fossilisés dans la vénération d'un passé disparu. En plus, si Neil Young - par exemple - reste un artiste actif et majeur de son époque, on ne peut pas en dire autant des Pixies, dont le retour sur scène ces dernières années a été au mieux insignifiant (seuls les malheureux qui ne les avaient pas vus à l'époque ont pu applaudir cette musique sans âme ni furie), au pire attristant (ah, l'attrait du fric). Je ne suis donc pas specialement fier d'être devant la Cigale ce soir, après m'être enfilé dans la journée un aller et retour de voiture vers Gent, avec tous mes chaleureux amis des RnRMf***s et consors. Quand je pense aux délices des albums de Vampire Weekend et MGMT écoutés en voiture à fond, je me demande un peu ce que les Breeders, qui n'ont jamais été un VRAI groupe, finalement, pourraient nous apporter ce soir. Gilles B, plus optimiste, me rassure : "On ne sait
jamais...!". Et il faut bien dire qu'il sera dans le vrai. Mais revenons à la première partie...
... Daddy Long Legs, des Français qui jouent du rock comme des Américains, ce qui n'est pas si fréquent que ça : bien joué, bien chanté, crédible et parfois même assez intense pour soulever de vraies vagues d'enthousiasme avec leurs fins de morceaux, juste un peu en deça de ce qu'on aimerait entendre au niveau inspiration, malheureusement. Bref un excellent groupe de première partie pour un peu plus de 35 minutes de beau rock intelligent, mais je ne suis pas tout-à-fait sûr qu'ils soient d'un calibre suffisant pour passer à la dimension supérieure... Ce qu'on leur souhaite pourtant de tout coeur.
C'est 20 h 45 quand les soeurs Deal (joli nom !) montent sur une scène qui ressemble plus à un joyeux capharnaüm qu'à une scène "professionnelle" : les amplis guitares et basse sont alignés face à nous, très près du bord de la scène (bon pour nos oreilles, ça !), ne laissant que peu d'espace pour les musicien(ne)s alors que tout l'arrière de la scène profonde de la Cigale paraît dégagé, et la batterie est reléguée tout au fond, sur la droite, presque derrière les amplis. Dans le fond est tendu un grand logo pas très convaincant, et devant l'emplacement prévisible de Kim Deal, un petit ampli est placé comme un retour, dirigé vers la scène... bizarre bizarre... Et finalement, ce gentil bordel est parfaitement annonciateur de ce que sera le concert auquel nous allons assister : car Kim et Kelley, déchaînées et hilares, nous ont en fait tous invités ce soir chez elles, dans leur cuisine de ménagères américaines à la limite du white trash. Tout cela n'est ni propre, ni net, juste un joyeux bordel - instruments d'occase qu'on s'échange, discussion permanente entre les deux soeurs qui se chamaillent (gentiment) sans aucune gêne devant les spectateurs, ratés nombreux dans l'interprétation des morceaux (on a toujours été habitués, même à l'époque des Pixies, à beaucoup d'approximation dans le jeu de basse et le chant de Kim Deal !) -, mais un bordel qui met littéralement le coeur en joie. On se dit alors que la musique, ça devrait toujours être comme ça, loin de tout professionalisme, dans l'inspiration du moment, avec cette sorte de rayonnement d'un bonheur visible, d'une complicité totale entre les deux soeurs, complicité qu'elles étendent génereusement, mais sans façons, au public - voir les vannes constantes qui s'échangent entre Kim et les spectateurs...! Si on avait l'esprit mal placé, on pourrait penser que cette joie presqu'enfantine de jouer, d'être applaudies avec autant d'enthousiasme par une Cigale littéralement "emballée", vient peut-être d'une sorte de soulagement : de la simple satisfaction d'être encore là, en 2008, avec une musique sans concessions ni enjeux, après avoir survécu aux drogues, à l'alcool et au succès du retour des Pixies. Oui, c'est exactement, un concert de survivantes, de revenantes, d'où tout souci semble désormais avoir été banni. Du pur plaisir de musique...
... et quelle musique ! Car ce soir, pour ceux qui n'étaient pas en Mai 1989 au Town & Country Club quand les Pixies ont lâché sur nous la bombe à fragmentation "Doolittle", eh bien c'était exactement comme ça : raide, sec, nerveux, bref, intense... rien à voir avec ce que Frank Black et sa bande nous ont fait depuis 2004, répétons-le ! La claque, le bonheur quoi : ça pogote furieux dans la salle, les oreilles commencent à nous chauffer, surtout quand Kim branche sa guitare euh... acoustique avec ce petit ampli à l'envers dont nous avons déjà parlé (quel son magique, mon dieu !), ce sont des déflagrations de moins de deux minutes en moyenne, juste le temps de déguster quelques riffs tranchants à 200 à l'heure, juste le temps de se remémorer la chanson quand il s'agit d'une ancienne - ça fait quand même un bail qu'on n'a pas écouté "Last Splash", à part "Cannonball", bien entendu ! -, et on passe à la suivante. Les Pixies, je vous dit. Bon, les compositions ne sont en général, on le sait, pas à la hauteur de celles de Frank Black, mais l'esprit, bon dieu, le foutu esprit est là et bien là, lui ! Et puis, il y a eu bien sûr "Cannonball", toujours époustouflant, pour moi l'une des chansons les plus viscéralement excitantes jamais écrites, excusez-moi du peu : à côté de moi qui délire, tout en me concentrant pour essayer de garder longtemps le souvenir de ces brèves minutes de plaisir intense, Gilles B filme, pour qu'on en garde quand même une trace, de tout ça, de toute cette force inouïe du rock'n'roll joué par deux ménagères pas soignées et plus très sveltes, mal fagottées, s'émerveillant toujours d'avoir réussi à jouer chaque morceau sans trop se planter... On a aussi hurlé en coeur : "Mother Superior Jumps the Gun", sur la géniale reprise de "Happiness is a Warm Gun", que, j'espère John Lennon a pu entendre d'où il est en ce moment (où que cela puisse bien être...). Au final, après un "Hellbound" aussi approximatif que, finalement, parfait, on a du les laisser quitter la scène, après ce set trop court, mais, au vu des visages radieux de tout le monde, absolument impeccable.
Dehors, il pleuvait des cordes, et alors que je m'en retournais, trempé et transi, vers ma voiture garée très loin, trop loin de la Cigale, je chantais encore : "Gigantic ! A big big love !"... Les Breeders ne l'avaient pas jouée, celle-là, bien entendu (et pourquoi bien entendu, il me semble que "Gigantic" appartient plus à Kim Deal qu'à Frank Black, non ?), mais c'est bien ce que nous ressentions tous ce soir... A Big Big Love ! »
jamais...!". Et il faut bien dire qu'il sera dans le vrai. Mais revenons à la première partie...
... Daddy Long Legs, des Français qui jouent du rock comme des Américains, ce qui n'est pas si fréquent que ça : bien joué, bien chanté, crédible et parfois même assez intense pour soulever de vraies vagues d'enthousiasme avec leurs fins de morceaux, juste un peu en deça de ce qu'on aimerait entendre au niveau inspiration, malheureusement. Bref un excellent groupe de première partie pour un peu plus de 35 minutes de beau rock intelligent, mais je ne suis pas tout-à-fait sûr qu'ils soient d'un calibre suffisant pour passer à la dimension supérieure... Ce qu'on leur souhaite pourtant de tout coeur.
C'est 20 h 45 quand les soeurs Deal (joli nom !) montent sur une scène qui ressemble plus à un joyeux capharnaüm qu'à une scène "professionnelle" : les amplis guitares et basse sont alignés face à nous, très près du bord de la scène (bon pour nos oreilles, ça !), ne laissant que peu d'espace pour les musicien(ne)s alors que tout l'arrière de la scène profonde de la Cigale paraît dégagé, et la batterie est reléguée tout au fond, sur la droite, presque derrière les amplis. Dans le fond est tendu un grand logo pas très convaincant, et devant l'emplacement prévisible de Kim Deal, un petit ampli est placé comme un retour, dirigé vers la scène... bizarre bizarre... Et finalement, ce gentil bordel est parfaitement annonciateur de ce que sera le concert auquel nous allons assister : car Kim et Kelley, déchaînées et hilares, nous ont en fait tous invités ce soir chez elles, dans leur cuisine de ménagères américaines à la limite du white trash. Tout cela n'est ni propre, ni net, juste un joyeux bordel - instruments d'occase qu'on s'échange, discussion permanente entre les deux soeurs qui se chamaillent (gentiment) sans aucune gêne devant les spectateurs, ratés nombreux dans l'interprétation des morceaux (on a toujours été habitués, même à l'époque des Pixies, à beaucoup d'approximation dans le jeu de basse et le chant de Kim Deal !) -, mais un bordel qui met littéralement le coeur en joie. On se dit alors que la musique, ça devrait toujours être comme ça, loin de tout professionalisme, dans l'inspiration du moment, avec cette sorte de rayonnement d'un bonheur visible, d'une complicité totale entre les deux soeurs, complicité qu'elles étendent génereusement, mais sans façons, au public - voir les vannes constantes qui s'échangent entre Kim et les spectateurs...! Si on avait l'esprit mal placé, on pourrait penser que cette joie presqu'enfantine de jouer, d'être applaudies avec autant d'enthousiasme par une Cigale littéralement "emballée", vient peut-être d'une sorte de soulagement : de la simple satisfaction d'être encore là, en 2008, avec une musique sans concessions ni enjeux, après avoir survécu aux drogues, à l'alcool et au succès du retour des Pixies. Oui, c'est exactement, un concert de survivantes, de revenantes, d'où tout souci semble désormais avoir été banni. Du pur plaisir de musique...
... et quelle musique ! Car ce soir, pour ceux qui n'étaient pas en Mai 1989 au Town & Country Club quand les Pixies ont lâché sur nous la bombe à fragmentation "Doolittle", eh bien c'était exactement comme ça : raide, sec, nerveux, bref, intense... rien à voir avec ce que Frank Black et sa bande nous ont fait depuis 2004, répétons-le ! La claque, le bonheur quoi : ça pogote furieux dans la salle, les oreilles commencent à nous chauffer, surtout quand Kim branche sa guitare euh... acoustique avec ce petit ampli à l'envers dont nous avons déjà parlé (quel son magique, mon dieu !), ce sont des déflagrations de moins de deux minutes en moyenne, juste le temps de déguster quelques riffs tranchants à 200 à l'heure, juste le temps de se remémorer la chanson quand il s'agit d'une ancienne - ça fait quand même un bail qu'on n'a pas écouté "Last Splash", à part "Cannonball", bien entendu ! -, et on passe à la suivante. Les Pixies, je vous dit. Bon, les compositions ne sont en général, on le sait, pas à la hauteur de celles de Frank Black, mais l'esprit, bon dieu, le foutu esprit est là et bien là, lui ! Et puis, il y a eu bien sûr "Cannonball", toujours époustouflant, pour moi l'une des chansons les plus viscéralement excitantes jamais écrites, excusez-moi du peu : à côté de moi qui délire, tout en me concentrant pour essayer de garder longtemps le souvenir de ces brèves minutes de plaisir intense, Gilles B filme, pour qu'on en garde quand même une trace, de tout ça, de toute cette force inouïe du rock'n'roll joué par deux ménagères pas soignées et plus très sveltes, mal fagottées, s'émerveillant toujours d'avoir réussi à jouer chaque morceau sans trop se planter... On a aussi hurlé en coeur : "Mother Superior Jumps the Gun", sur la géniale reprise de "Happiness is a Warm Gun", que, j'espère John Lennon a pu entendre d'où il est en ce moment (où que cela puisse bien être...). Au final, après un "Hellbound" aussi approximatif que, finalement, parfait, on a du les laisser quitter la scène, après ce set trop court, mais, au vu des visages radieux de tout le monde, absolument impeccable.
Dehors, il pleuvait des cordes, et alors que je m'en retournais, trempé et transi, vers ma voiture garée très loin, trop loin de la Cigale, je chantais encore : "Gigantic ! A big big love !"... Les Breeders ne l'avaient pas jouée, celle-là, bien entendu (et pourquoi bien entendu, il me semble que "Gigantic" appartient plus à Kim Deal qu'à Frank Black, non ?), mais c'est bien ce que nous ressentions tous ce soir... A Big Big Love ! »
1 commentaire:
Joli compte-rendu. Juste une remarque : "ménagère" n'est pas synonyme de "femme" !
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