Première Partie : YULES
Ce qu’en a pensé Eric :
Découverte d'une nouvelle salle sympa ce soir : l'Alhambra, fraichement rénové (pas encore fini, en fait, d'ailleurs il manque... Raaahh... le bar !), à deux pas de la place de la République. Ce soir, pour les Nits, des fauteuils, et un public familial et modérément âgé, signe que les jours glorieux sont loin derrière. Time waits for noone, Henk !
Première partie, une courte crainte devant la perspective de 30 minutes d'un groupe français jouant en semi-acoustique : heureusement, Yules, c'est leur nom, un peu mystérieux (hommage à Doug ?), ont un vrai talent... Plusieurs vraies belles chansons, avec des crescendos délicats et des changements de rythme bien vus, des mélodies discrètes mais bien amenées, une belle voix du chanteur, entre Tom Yorke (très à la mode, le spleen Radiohead !) et... disons, au hasard, Don McLean pour un certain héritage folk classique. Deux morceaux sortent du lot : "Desperation Land" et surtout "Carry On", et on retiendra l'humour sympa du groupe, pas lourd ou démago comme c'est souvent le cas avec les groupes français débutants. A suivre !
La scène, comme souvent avec les Nits, est décorée avec originalité et cette touche d'humour qui a toujours ensoleillé leur musique : pour cette tournée, nous avons droit à une multitude de lampes "de maison", depuis la lampe de chevet la plus ringarde à celle de salon la plus moderne. Petite surprise quand les Nits entrent en scène, Henk va s'asseoir sur un tabouret et entame la première chanson, déchaîné sur sa guitare électrique... mais assis ! Il expliquera plus tard qu'il a "le pied comme un éléphant", et qu'il est donc cloué sur sa chaise "par solidarité avec nous". La première chanson, justement, une version magnifique - sans aucun doute la plus belle que j'aie entendue - de "Two Skaters", subtile, déconstruite, puissante, à la fois abstraitement mélancolique et menaçante : bref, les Nits comme on les a toujours adorés sur scène (bien plus que sur disque...!), virtuoses, intenses et élégants tout à la fois.
La suite, après cette introduction assez radicale, est à la fois plus conventionnelle et pourtant surprenante : ce soir Henk, Robert et Rob vont nous jouer la quasi intégralité de leur dernier album, à peine ponctué d'assez rares (8 en tout) interprétation de "classiques"... tous magnifiques ("Cars and Cars", sublime, "Dutch Mountains" puissant, "Nescio" tout en grâce et en subtilité, "Adieu Sweet Banhoff" en douceur pour faire chanter la foule...). Ce dernier album, qui m'avait laissé plutôt froid - il y a tant de merveilles de nouveaux artistes qu'il n'est pas facile de continuer à suivre la carrière d'un groupe formé en 1974 ! - gagne clairement à être interprété en live, avec humour, émotion, flamme parfois... mais il est indéniable qu'il y a une poignée de titres qui ne sont pas impérissables, et qui font retomber "l'ambiance" (pas terrible l'ambiance, d'ailleurs, le public étant remarquablement calme face à la jolie énergie des Nits !).
Henk, dont le visage me semble de plus en plus marqué par la souffrance au fur et à mesure que la soirée avance, réussit quand même à être gentiment drôle, en contant la genèsede certaines chansons : on n'oubliera pas de si tôt la rencontre de Louis XIV (dont on reconnaît le pouvoir au fait que Ikea vend encore "ses chaises" aujourd'hui) et d'Elvis dans les cuisines de Versailles, ni celle du batteur d'Uriah Heep (groupe très poli dont les roadies ressemblent à des orques... déjà morts !) soucieux de sa mise en pli avec un loup-garou allemand dans une cathédrale sous-terraine ! Les Nits, c'est aussi beaucoup ça, cet humour décalé, magique même, qui porte la musique vers "autre chose", de plus délicat parfois, de plus absurde certainement.
Deux rappels qui creusent obstinément le même sillon, consacrés encore à "Doing the Dishes" : à noter une reprise atmosphérique des "Nuits", et une surprenante version très rock de "Twins", consacré aux Kray Brothers - d'après Henk, quelque part entre les Sopranos et The Kinks. Presque 2 heures 10 de concert, on sent que Henk n'en peut plus, et ce n'est pas la peine d'espérer un troisième retour. Au final, malgré la salle trop calme (l'effet "sièges", mais aussi ce public assez bizarre, que j'ai senti moins passionné qu'il y a quelques années quand les Nits avaient un groupe important de suiveurs fanatiques, et clairement pas concerné par l'aspect "rock" de leur musique), et le choix courageux de ne pas jouer la carte de la nostalgie ce soir, les Nits ont encore prouvé qu'ils vieillissaient élégamment, qu'ils restaient toujours un groupe exceptionnel - certaines de leurs compositions pouvant même prétendre au panthéon de la pop music -, même si toujours (et sans doute à jamais) confidentiel.
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