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samedi 24 novembre 2007

Electrelane - Le Trabendo. Paris.








Premières Parties : Anni Rossi - Tender Forever
Ce qu'en a pensé Eric :

Soirée féminine au Trabendo, placée en outre sous le signe d'un certain désespoir transi : depuis quelques jours, nous savons que les filles d'Electrelane ont déclaré forfait, et décidé d'arrêter les frais.
Gilles B. fan number 1 de Mia, est triste, forcément, et nous aussi, quelque part.
Novembre est redevenu glacial, les filles d'Electrelane sont à leur stand de merchandising et discutent avec leur public, agglutiné autour d'elles plutôt que devant la scène : faut-il expliquer la fatigue, n'est-il pas humain de simplement renoncer ?

Anni Rossi monte sur scène, seule avec son courage et son violon, qu'elle torture pour en tirer la bande-son de son malaise. Pas courant de voir une femme chanter ainsi la banale horreur de son existence tout en faisant grincer ses cordes, et en martelant l'estrade sur laquelle elle est grimpée, en guise de rythmique. La voix d'Anni est magnifique, parfois sublime de justesse froide et de lucidité tremblante à la fois. Ses mots sont douloureux comme des doigts saisis par le froid d'avoir trop joué avec de la neige. D'un coup, je suis frappé par une certaine évidence (la chemise de bûcheron à carreaux, le jean ?), cette musique est la bande son parfaite de "Blankets", la géniale autobiographie de Craig Thompson : même désespoir tenace face à une vie transie au fin fond de l'Amérique rigoriste, et déjà perdue... alors qu'on est encore si jeune ! Cela dure 20 minutes, c'est très beau, mais ça suffit !
Si l'humour est la politesse du désespoir, alors Tender Forever est très polie et très très désespérée. Pendant les 50 minutes de son show qui ne ressemblait à rien que je n'aie jamais vu (ni vous non plus d'ailleurs), Tender Forever a joué du ukulélé, admis qu'elle aimait bien qu'on la traite de "karaoké", a remercié l'effet de la drogue qu'on lui avait injectée dans la fesse avant le concert pour qu'elle puisse chanter, a fait un numéro en duo avec une Beyoncé virtuelle, a pris des cours de danse avec son groupe lui aussi virtuel ("Tu es trop punk electro, ça fait très 1999" se moquent ses comparses sur l'écran), nous a projeté des diapos de vacances suintantes de banalité amère et pourtant hilarantes, s'est jetée dans la foule (c'est-à-dire sur nous). Mais surtout, elle a chanté, crié, psalmodié une belle poignée de chansons à la foisbouleversantes et très drôles. J'ai senti plusieurs fois mon coeur se serrer, parfois sur une plaisanterie un peu trop "près de l'os" ("si vous n'avez pas de sous pour achetr mon disque, venez me parler. Parler, je sais faire" ou "Je suis là pour faire de l'argent, ça se voit, non ? Je suis pas trop bien partie, hien ?"), souvent sur une de ces mélodies nues, embellies par la magie d'un Mac et d'un simple projecteur. En rappel, une reprise de Cher (si ! si !) au ukulélé, pendant laquelle elle a fait chanter la foule : superbe tristesse de petite fille gay et déjantée, un très beau et très cher concert pour l'âme et pour le coeur.
Le coeur, voilà bien ce que les filles d'Electrelane ont oublié, tant leur musique, d'une beauté souvent envoûtante dans ses schémas complexes mais son fonctionnement "mathématiquement" simple, parle d'abord à la tête, puis au corps (... quand tout s'accélère...!), mais jamais aux émotions. Du coup, les 90 minutes de leur "ultime" concert en France ("Don't split ! Don't split !" hurlèrent régulièrement des voix désespérées. Mais il y aura quand même un "When is the reunion tour ?" pour faire sourire les musiciennes.) seront l'occasion de se laisser aller à une promenade rêveuse dans ce labyrinthe souvent purement instrumental, régulièrement abstrait et technique, qui me rappelle parfois le travail de Robert Fripp sur les derniers chefs d'oeuvres de King Crimson ("Red" et surtout l'extraordinaire "Larks Tongues in Aspic"). Le public est ivre d'amour et de tristesse de voir ses chouchous jeter l'éponge, et du coup, chaque démarrage de la guitare de Mia - malheureusement un tantinet sous-mixée ce soir - est anticipé et accueilli par des cris d'encouragement et d'enthousiasme : lorsque le rythme s'accélère - disons quand on passe d'un rythme de transe hébétée, héritée du Velvet, à une épilepsie en mode automatique qui rappelle les merveilleux Feelies -, le public fait semblant d'être à un concert des Kaiser Chiefs, et nous voilà bien écrasés, surpris, contre la barrière. Peut-être parce que je trouve personnellement la musique d'Electrelane trop abstraite pour provoquer en moi autre chose qu'une excitation physique pavlovienne, je suis quand même étonné de cette ferveur, qui, quelque part, me rappelle dans son enthousiasme forcé le désespoir d'un amant que sa maîtresse va quitter en lui avouant qu'il n'a jamais été vraiment un bon coup.
Dans cette musique apparemment imperméable à tout désir et tout affect, le sexe, moteur essentiel du rock'n'roll, s'est cristallisé sur Mia, guitariste rageuse au visage de poupée, et au mutisme souriant. Les fans crient son nom, comme un reproche à demi voilé : les filles sur la scène sourient avec une bienveillance un peu hautaine, pour bien nous faire comprendre que ce jeu-là, celui de la séduction, elles ne l'ont jamais joué. D'ailleurs, Mia restera dans la quasi pénombre ce soir, le visage dissimulé derrière ses cheveux, restant (pour toujours ?) une énigme.
Pour finir, je dirai qu'Electrelane jouera bien, très bien, ce soir, sans montrer aucune des limites techniques constatées en première partie d'Arcade Fire en Mars à l'Olympia, ou sur le DVD du concert de Paredes de Coura en Août, et que ça a aura été un vrai bonheur - de mélomane, cette fois - de les suivre au long des constructions alambiquées mais répétitives de leurs meilleurs morceaux (les instrumentaux). Je resterai personnellement plus réservé face à leurs penchants pop, guère transcendants : voix éthérées et mélodies pâlichonnes, on reste bien dans les canons de la noisy pop tels que définis dans les 90's par The Jesus & Mary Chain. Le concert se finira par un second rappel, pas nécessairement prévu, avec une belle reprise fracassée du "I'm On Fire" de Springsteen, qui apporte la preuve par l'absurde que ce qui manquait à Electrelane pour connaître un vrai succès public, c'est justement ça : des chansons, simples et solides, qui parlent d'émotions banales.

Mais ne regrettons rien, lorsque nous en réclamons encore, encore, Mia revient, débouche une bouteille de champagne sur scène et la tend au premier rang (nous la tend, donc !) pour que nous la buvions à la santé de la mort d'Electrelane. Gilles B en prend une grande rasade, mais je ne suis pas sûr que ce concert ait beaucoup amélioré son pessimisme actuel. Dehors, Novembre reste glacial et la nuit a encore l'air plus triste.








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